Le date della Biennale di Senigallia 2025 sono state appena confermate.
I principali eventi, tra cui l’inaugurazione, la conferenza, la fiera, la proclamazione dei risultati del concorso e la serata di gala, si terranno il 29, 30 e 31 maggio 2025.
Per chi desidera godersi il fascino tranquillo di questa località balneare, si consiglia di pianificare un soggiorno per tutta la settimana dal 25 maggio al 1° giugno 2025.
La conferenza si svolgerà in tre giorni: giovedì 29, venerdì 30 e sabato 31 maggio. Il comune organizzerà un sistema di traduzione simultanea dal francese e dall’inglese all’italiano. Inoltre, le conferenze saranno disponibili online con sottotitoli in queste tre lingue.
I giovani artisti e gli studenti delle istituzioni partner della Biennale, come l’Università Politecnica delle Alte Studi, sono invitati a lavorare sul tema della gelosia.
Tra gli argomenti trattati durante le conferenze, si discuterà dei misteri legati all’invenzione della fotografia, così come dell’eredità e dell’influenza di Mario Giacomelli, in occasione del centenario della sua nascita.
Un concorso pubblico permetterà ai visitatori e ai residenti di Senigallia di votare il loro progetto preferito per una fontana che sarà costruita in memoria del professor Camillo Nardini, nel Parco Boscomio. Chiunque può partecipare presentando un progetto. I venti progetti selezionati dalla giuria saranno esposti nelle vetrine e all’interno dei negozi del centro di Senigallia per tutto il mese di maggio.
Una fiera dedicata a fotografie da collezione e a fotocamere d’epoca si terrà nel pomeriggio di venerdì 30 maggio e la mattina di sabato 31 maggio nell’antico mercato del pesce e sotto i portici dei Portici Ercolani.
Il programma dettagliato sarà pubblicato entro la fine di ottobre. Un punto informativo sulla Biennale di Senigallia sarà allestito a Parigi durante Paris Photo, presso il Cercle Wagram.
We are pleased to announce that a selection of our conferences and exhibition tours, curated with great care for the 3rd Senigallia Biennale, is now available on YouTube
Dear distinguished listeners,
We are pleased to announce that a selection of our conferences and exhibition tours, curated with great care for the 3rd Senigallia Biennale, is now available on YouTube.
This exciting development allows you to delve into these moments, sharing them with a wider audience and those unable to attend due to unforeseen circumstances.
Please bear with us as we share a minor detail: the conferences were initially conducted in French and Italian. However, we are diligently working to provide English subtitles through the use of artificial intelligence. We understand the challenges that lie ahead, but our unwavering commitment drives us to improve the accessibility and reach of our cultural programs.
We sincerely appreciate your unwavering support and dedication to the Senigallia Biennale.
Photographically yours,
Thursday 18 May / Jeudi 18 mai 2023 – 9:15
Enzo Carli, Gemmy Tarini, conferenza in italiano, con sotto-titoli in italiano. Tarini è stato uno dei principali fotografi senigalliesi insieme a Giuseppe Cavalli e Mario Carafoli. Tarini, in particolare, ha avuto un ruolo fondamentale nella ricerca fotografica, collaborando con Cavalli e partecipando alle mostre e ai concorsi fotografici dell’epoca.
Daniel Girardin, La Beauté matériel des archives. Un cas d’étude, les archives Hans Steiner, écriture et réalisation d’un film pour le Musée de l’Élysée, Lausanne
La conférence de Daniel Girardin portait sur le thème de la beauté des archives, en se concentrant sur la vie, la mort et le destin des images. Il a souligné l’importance de la sélection opérée par les photographes dans la constitution de leurs archives, ainsi que la question de la collection et de l’archive en général. Daniel a comparé les archives photographiques aux archives textuelles, mettant en évidence la valeur documentaire et émotionnelle des photographies. Il a abordé les analyses de Jacques Derrida sur le pouvoir des archives, l’angoisse et la nostalgie suscitées par les photographies, ainsi que la question de la vérité au sein des archives. Un exemple concret a été présenté, celui du fond photographique de Hans Steiner, un photographe suisse. Daniel a décrit les défis rencontrés avec ce fond, notamment l’absence de références temporelles, spatiales et nominatives.
Maria Spes Bartoli. Conferenza di Simona Guerra in italiano con sotto-titoli in italiano
Maria Spes Bartoli è stata una fotografa italiana nata a Senigallia nel 1888. La sua carriera e la sua eredità sono notevoli, in quanto fu la prima donna fotografa in Italia a possedere uno studio proprio, cosa eccezionale per l’epoca. Nonostante le difficoltà incontrate, soprattutto durante la guerra, quando dovette gestire due studi in assenza del padre e del fratello mobilitati, Maria Spes sviluppò le sue capacità artistiche e il suo impegno nella fotografia.
Le riprese video sono state effettuate con il supporto dell’emittente televisiva locale Senigallia Notizie, del cameraman Alberto Olivieri.
La BIENNALE DI SENIGALLIA si inserisce nell’ambito del progetto Senigallia Città della Fotografia, promosso dalla Regione Marche e realizzato dal Comune di Senigallia e da Atelier 41 in collaborazione con la Fondazione Cassa di Risparmio di Jesi.
The video is online, here’s the French text and an English translation
La video est en ligne, en voici le texte et une traduction en anglais
Bienvenue à tous, merci d’être venus. Nous sommes aujourd’hui le 19 mai 2023, c’est le second jour des rencontres dans le cadre de la 3e Biennale de photographie sénégalaise. Actuellement, il est 18h15 et nous sommes dans la rotonde au bord de la mer. Je vais passer la parole à Jean Poderos. Jean Poderos est éditeur, plus précisément éditeur de livres pour enfants et de beaux livres. Il a publié plus de 250 livres dans sa maison d’édition, qui s’appelle Éditions Courtes et Longues. Par exemple, il a publié un livre sur Hugo Pratt et un livre sur le photographe Thiollier en collaboration avec le Musée d’Orsay lors d’une exposition. Maintenant, je passe la parole à Jean. Merci Serge et bonsoir à toutes et à tous. Serge l’a fait donc, je ne vais pas me présenter, mais je ne vais pas non plus vous présenter Pierre Apraxine, dont je vais vous parler maintenant pendant un certain nombre de minutes et qui va se dévoiler à vous petit à petit. Pour ceux ou celles qui ne le connaissent pas, je peux vous dire que l’histoire de Pierre, mon histoire avec Pierre, c’est l’histoire d’une rencontre qui ne s’est pas faite en 2000. Il organisait au Musée d’Orsay une exposition sur la Castiglione et Jean-Michel Ottoniel, l’artiste Ottoniel, qui est un ami, m’a appelé et m’a dit que je travaillais à l’époque pour vos magazines, j’étais journaliste, donc, et il m’a dit : « Viens, il y a cette exposition, ce sera intéressant que tu rencontres Pierre Apraxine. » Bon, les choses de la vie sont parfois mal faites, je ne suis pas allé voir Pierre Apraxine, je ne suis pas allé voir non plus l’exposition de la Castiglione. Je n’ai pas vu cette exposition, c’est un grand regret aujourd’hui, mais c’est comme ça. Et puis, Pierre, je l’ai rencontré à nouveau par l’intermédiaire d’un autre ami artiste, Sorbelli, Alberto Sorbelli. Vous verrez que l’Italie est très présente dans tout ce parcours. Ça, c’était en 2005 et j’ai rencontré Pierre à plusieurs reprises, notamment dans des dîners, on riait, on discutait. Et la curiosité, quelquefois, quelque chose qui fait vilainement défaut, si bien que je ne savais pas vraiment ce que faisait Pierre dans sa vie. Et puis, quelques années plus tard, je lisais « Guerre et Paix » de Tolstoï, et dans « Guerre et Paix », il y a un Comte Apraxine. Et un soir, je suis invité à nouveau chez Sorbelli et je demande à Alberto si Pierre sera là. Il me dit : « Oui, il y aura Pierre. » Alors, dès que j’arrive, je me jette sur Pierre Apraxine et je dis : « Pierre, il y a un Comte Apraxine, comme toi. » Bien sûr, il ne l’oublie pas, et il me répond tout de suite : « Oui, mais ce n’est pas la branche de ma famille. » Et il commence comme ça à me raconter sa vie, et à me la raconter par des espèces de correspondances, notamment en parlant des lieux où il a vécu. Et cette conversation a duré plus d’une heure et demie. C’était au milieu d’un brouhaha, comme il y a souvent dans les soirées, mais moi, j’étais complètement focalisé, parce qu’il me racontait, et par l’histoire incroyable qu’il était en train de tisser pour moi. Au bout de cette longue conversation, je lui ai dit : « Mais Pierre, est-ce que vous avez jamais pensé à écrire vos mémoires ? » Et Pierre, qui était un grand homme, alors là, on voit pas vraiment que c’est un grand homme, mais c’est très grand, il avait toujours, c’était un peu dégingandé, et puis non. Et voilà, quelquefois je suis un peu lent, c’était ça, ça devait être en 2015-2016, et il m’a fallu quand même près de trois ans pour retourner constamment cette idée dans ma tête, et me dire qu’il fallait peut-être lui proposer quand même qu’il écrive ses mémoires. Et finalement, j’en parle à Jean-Michel Ottoniel, à Alberto Sorbelli, je leur demande s’ils trouvent que ce serait une bonne idée. Les deux me disent : « C’est une excellente idée, et personne ne lui a jamais proposé ça, c’est formidable, il faut que tu le lui proposes, mais il te dira non. » Alors bon, ok, je lui envoie une lettre très courte, et trois semaines plus tard, Pierre me répond : « Banco, faisons-le, à la seule condition que je n’écrive pas. » Alors, il a fallu que je réfléchisse à quelqu’un qui pourrait le faire. Et Pierre vivait à New York, moi à Paris, c’était un peu compliqué. Et Automniel, encore lui, me dit : « Bien sûr, c’est toi qui le fait, j’avais jamais pensé à cette solution-là. » Et quand il m’a dit ça, je me suis dit, en fait, il a raison, il faut que je fasse ça. Et nous avons organisé, avec Pierre, un premier voyage. C’était en novembre 2019. Pierre était très fatigué à ce moment-là, il était hospitalisé dans une maison de repos, et je suis allé le voir. Et la première conversation a été terrible, parce que, il m’a dit, « Non, non, mais on va jamais faire ça. » Moi, j’avais traversé l’Atlantique, j’étais juste là pour lui. Et il me dit, « Non, non, on arrête ça, ça n’a pas de sens, » de manière très, très virulente, quasiment virulente, alors que c’est un homme très doux, et que je l’avais toujours connu souriant, drôle. Et là, il s’est vraiment énervé. J’appelle Sorbelli, je lui dis, « Écoute, voilà, Pierre me dit qu’il ne veut pas le faire. » J’erre dans les rues de New York comme ça, et puis finalement, je trouve une cabine, et je l’appelle, et il me dit, « Non, non, mais c’est hors de question, tu es là pour ça, tu l’appelles, tu appelles son assistant, et demain, tu y retournes, tu y seras à 15h, et vous commencerez à travailler. » C’est ce que j’ai fait, et le lendemain, tout avait changé. Il y avait une éclaircie incroyable, et Pierre a commencé à me parler, à se livrer. Ça, c’était donc le premier voyage, et puis le deuxième voyage, c’était en janvier 2020. Et puis, vous savez ce qui est arrivé ensuite, il y a eu le Covid, et donc j’ai dû interrompre mes voyages, et nous avons décidé de faire des conversations téléphoniques une, deux, trois fois par semaine, jusqu’à ce que les frontières rouvrent, et que je puisse moi aussi, en fonction de mon travail, me déplacer. Et donc, je suis parti le revoir en novembre 2022, et une dernière fois cette année, en février, et une semaine plus tard, il est décédé.
, que Pierre Apraxine est l’homme d’une pensée. Sylvie Aubenas, directrice du département photographique de la Bibliothèque nationale de France, explique qu’il a le développement d’une pensée si riche qu’on a parfois du mal à le suivre. Je la cite dans un article qu’elle a écrit sur Pierre, où elle dit : « La pensée de ce lecteur de Proust se déroule en longue volute, s’étire comme un nuage aux contours impalpables. On ne comprend pas d’emblée où il veut en venir, ce qu’il voudrait. On se verrait presque du souci pour lui. Et brusquement, le nuage se change en pluie et en éclair. » Pour moi, comme je l’ai dit dès la première conversation liée aux mémoires, j’ai eu l’impression qu’il pensait par correspondance, ce qu’il a appelé une fois qu’il a commencé à lire ce que j’écrivais pour lui, des « tiroirs ». Et une autre chose s’est faite jour tout au long de ce projet, dès le début du projet, c’était pour moi la nécessité d’entendre et d’identifier sa voix, et les sources de sa voix. Elles étaient multiples. Évidemment, il y avait ce qu’il me racontait de première main. Il y avait aussi ces textes, notamment celui d’un très gros livre qu’il a écrit pour la collection qu’il a rassemblée pour Gilman, dont je parlais tout à l’heure, des entretiens avec ses amis, notamment Serge. La revue de presse très importante qu’il avait amassée, Pierre était un homme extrêmement organisé, il avait une revue de presse le concernant qui était absolument prodigieuse. Des documents personnels, notamment l’autobiographie de sa mère qu’elle avait écrite jusqu’au moment de la guerre. Et vous verrez pourquoi, l’appartement où il vivait sur la 12e rue à New York, qui n’était pas un temple de décoration, mais un lieu qui était une sorte de portrait de lui-même, où l’on avait, je ne sais pas, un fauteuil de Joe Colombo, on avait des poteries péruviennes, on avait une tapisserie d’Azerbaïdjan, on avait douze Becquists, enfin on avait des photos, bien sûr, des peintures, une très belle sculpture de Juan Cristobal, différentes choses. Et puis, il y a eu aussi son regard, et ça, c’est quelque chose que j’ai perçu un tout petit peu plus tard, quand on a commencé à rassembler ou à regarder les photos qu’on pourrait inclure dans le livre, dans les mémoires. Je me suis aperçu qu’il avait un regard très lent, en fait, quand il regarde une image, il prend beaucoup de temps, une espèce de patience qui se met comme ça en route, et finalement, au bout d’un moment, il nous pointait du doigt un détail qu’on n’avait absolument pas vu. Alors, je n’ai pas à l’esprit une image comme ça, un paysage, et tout à coup, il me dit : « Ah, vous avez vu ce champignon là ? » Le champignon, même en regardant très attentivement, je ne l’ai toujours pas vu, mais n’empêche qu’il avait ce regard à la fois synthétique, analytique, et en même temps, le souci du détail, une espèce de regard exhaustif. Et puis, il y avait aussi des conférences, et ses conférences, vous verrez, jouent un rôle très important dans sa vie, parce que c’est pour deux d’entre elles, en tous les cas, des monuments auxquels il est revenu souvent dans nos conversations. Pierre est né le 10 décembre 1934 en Estonie, avec sa famille. Ils sont partis en exil en 1939 en Belgique, et il est resté là jusqu’à la fin des années 60. À partir de 1966, il a été le conseiller du banquier Léon Lambert pour la décoration des bureaux de la banque. Quand je parle de décoration, c’était la décoration d’œuvres d’art. Ils ont été les premiers en Europe à commander des œuvres à Sol LeWitt et à Tony Smith. En 1969, il obtient une bourse de la Fulbright Fellowship, qui vous le savez, est très prestigieuse, et il est parti aux États-Unis, et il est devenu conservateur pour un département du Bowmont qui a disparu, et qui s’appelait le Hartley E. Lanning Service, qui servait à prêter ou à louer des expositions et des œuvres à des entreprises qui le souhaitaient. En 1976, il rencontre Howard Gilman, qui était un magnat du papier, le plus grand industriel papetier aux États-Unis, et Gilman lui aussi veut meubler ses bureaux d’œuvres d’art. Pierre va lui proposer trois collections, rassembler trois collections. La première, celle qu’il donne, l’art qu’il connaît, une collection d’art minimaliste et conceptuel. La deuxième, une collection de photographie. Et la troisième, une collection de dessin d’architecture utopiste. La première sera dispersée en 1987 chez Christie’s. La troisième, celle de dessin d’architecture, sera offerte au MOMA. Quant à la deuxième, celle de photographie, et bien, elle a bouleversé la vie de Pierre, et sans doute aussi la destinée de la photographie ancienne. Voici la première image qui a donné envie à Pierre de photographier, de collectionner de la photographie ancienne. C’est une photographie de Baldus qui s’appelle « Un après-midi à la Faloise », et qu’il a achetée en 1978. Je ne ferai que citer ce passage, mais je vais vous citer deux parties du texte issues des mémoires, telles que Pierre les a formulées. Une photographie de Baldus, intitulée « Groupe dans le parc du château de la Faloise », évoque « La Cerisaie » de Tchekhov. Qui sont ces gens assis ? Cette dame de bout à droite, protégée par son ombrelle, est-ce Lioubov Andréievna Ranevskaïa, l’aristocrate dépossédée de sa propriété ? Et seul à gauche, Trofimov, l’étudiant qui rumine son suicide. Où est le marchand Pétia, qui va sauver ses méprisants amis de la ruine ? J’ai acheté cette photo à Paris en 1978. Elle a agi comme un révélateur de la collection Gilman à venir, car elle capture, comme très peu d’œuvres, l’étoffe de son époque. Sur la partie gauche de la scène, le photographe domine son modèle, qui lui obéit. Et à droite, l’appareil est libre, incontrôlé et en profondeur. À gauche, éparpillés à droite, une esthétique impressionniste avant la lettre. Il explique encore pourquoi l’importance de cette photo en la voyant. « J’ai eu la certitude que mon regard ne me trompait pas. Les amateurs de photographies de cette époque préféraient les accumulations victoriennes. J’avais, quant à moi, trop de goûts pour le minimalisme conceptuel américain pour leur porter attention. La Faloise est dénuée du détail qui fait les photographies victoriennes, le piment de l’époque. On ne sait pas vraiment qui est là, ni pourquoi. Ce type de mannequinat ne m’a d’ailleurs jamais intéressé. Ici, c’est tout un monde que l’on porte en soi, tout ce que l’on y met, l’impressionnisme, la cerisaie, etc. Évidemment, Baldus n’a pas pu y penser, mais ce qui fait de cette photographie un chef-d’œuvre réside précisément dans ce que le photographe n’y a pas mis, dans les correspondances que nous lui trouvons. J’étais certain qu’il fallait l’acheter. Elle était très chère, et je n’avais pas encore la bourse de Harvard. Je suis rentré à New York et lui ai dit qu’il nous fallait cette photographie. Non seulement nous devions l’acheter, mais c’était cela, ces photographies anciennes-là, qu’il fallait collectionner. La collection Gilman était là, le rêve de tout collectionneur, et de faire de sa collection un objet unique. Avec cette photo, j’en entrevoyais la possibilité. » La collection donc démarre en 1978, et petit à petit, elle va prendre corps et se développer assez rapidement. Si bien que elle va attirer l’attention du Metropolitan Museum de New York, et notamment de la directrice du département de photographie, qui était Maria Morris Hambourg, et qui s’est fait très vite une mission de pouvoir un jour acquérir cette collection, qui était encore en devenir. Je l’ai dit, il y a deux conférences importantes dans la vie de Pierre, en tous les cas, deux conférences qu’il a citées, qu’il m’a citées abondamment, sur lesquelles il est revenu très longuement. Une conférence autour de la Castiglione, et une conférence autour du Waiting Dream. Le Waiting Dream, c’est une exposition qu’ils ont organisée en 1993 au Metropolitan Museum. C’était un événement absolument hallucinant, parce qu’il n’y avait jamais eu quelque chose de cet ordre-là qui avait été fait dans les murs du Metropolitan. Dans sa conférence pour le Waiting Dream, qui précède chronologiquement celle sur la Castiglione, Pierre évoque la Castiglione, mais à l’époque, il n’a pas encore travaillé sur le sujet. Cependant, le connaissant, il a dû déjà avaler le livre de Montesquieu consacré à la comtesse, et dont Gérard Lévy lui avait offert un exemplaire. Il avait également déjà acheté toute une série de photos tirées de la série des Roses, où la comtesse est vieillissante, où elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Il avait d’abord rejeté la comtesse, malgré l’insistance de François Brunsweig et Hugues Autexier, qui étaient des marchands avec lesquels il travaillait beaucoup, et qu’on appelait d’un mot valise « Les TexBraun ». François Brunsweig et Hugues Autexier avaient essayé longuement de convaincre Pierre, et lui se refusait toujours à s’intéresser à la comtesse, jusqu’à ce qu’il tombe sur cette série des Roses. Voici, en tous les cas, ce que dit Pierre dans la conférence qu’il donna à New York sur la comtesse. « Très tôt, François Brunsweig et Hugues Autexier se sont intéressés à la Castiglione, et vers 1980, ils m’ont montré une image qui, je pense, était celle de la Reine des Reines. La photographie baroque du 19e siècle ne m’intéressait pas à cette époque. Je recherchais des images du 19e siècle avec une esthétique minimaliste très contemporaine, et ne parvenait pas à m’attacher à l’artificialité des créations de la Castiglione. En 1985, j’ai acheté, avec le Musée d’Orsay, trois livrets de photographie des dernières années de la comtesse, 1893-1895. Ce qui était baroque est devenu grotesque, un grotesque où il était difficile de séparer la nostalgie de la caricature, aux prises avec un lourd contenu psychologique. Cela a commencé à m’intéresser. En 1992, préparant l’exposition de la collection Gilman, du Waiting Dream pour le Metropolitan Museum, j’ai acheté le regard+ ».
C’est avec cette photo que j’ai appris que les négatifs étaient conservés à Colmar, en France, et bien sûr j’ai fouillé la collection de ces photographies conservées au Metropolitan, provenant de la collection Robert de Montesquieu, et j’ai lu son hommage à la divine comtesse. Fin ’94, je pensais déjà à une exposition. L’exposition aura lieu donc en 2000, comme je le disais tout à l’heure. Il a donc voulu, pour le « Weeking Dream », inclure une photo de la Castiglione, mais une image différente de celle des vieilles années de la comtesse. Une photo qui s’intitule « Le Regard » et qui fait partie des premières photos qu’elle fait faire à Pierre, son photographe, sous sa direction. Deux images importantes, à deux moments de sa vie, disent tout de la démarche de la comtesse. Béatrice résume sa démarche, nous dit Pierre. La photographie a été réalisée en 1856-1857, mais le titre vient d’une pièce jouée à Paris en 1861. « Béatrix sacrifie son amour pour un prince contraint de se marier avec une princesse pour la raison d’État ». La comtesse écrivit à propos de Béatrix : « Quand le chagrin est si beau à voir, qui pourrait souhaiter le bonheur ? » Et puis, une autre très connue, « schizodifolia », en étonne notre exemple, nous dit-il. Le titre est tiré de l’opéra de Verdi « Un ballo in maschera », un bal masqué, lorsque le roi s’adresse à la sorcière qui a prédit sa mort. « Est-ce une blague ou une folie ? », pour la question, le titre mêle les deux. Il faut savoir que lors de la création de l’opéra à Naples, dans la scène du bal masqué, les figures en féminin étaient jouées par des dames du monde, bientôt remplacées par des courtisanes et des prostituées. Lorsque la comtesse est à nouveau invitée à la cour de Napoléon III en 1863, après cinq années d’exclusion, au fameux bal où elle porte le costume de la reine Destreriès, elle répond que « si d’autres invitations devaient suivre, je ne veux pas comparaître comme un figurant du bal et une masquero ». Ce titre deviendra une référence constante pour la comtesse. Elle était très sensible à toute affaire sociale. En effet, sa position était précaire, séparée de son mari. Elle se maintient dans la société grâce au soutien de son ambassade, évitant ainsi d’être confondue avec une courtisane, même si elle semble vivre bien au-dessus de ses moyens. Il est donc assez étonnant qu’elle se soit risquée à incarner une courtisane dans ses photographies. Cette image ne doit pas être prise au pied de la lettre, conclut Pierre. C’est une aristocrate jouant à la petite vertu. Quelques années auparavant, Pierre a présenté une autre conférence au moment de la présentation de l’exposition « Waking Dream ». Cette conférence s’est tenue le 13 juin 1993, et il a fixé un cadre temporel à cette conférence, un cadre temporel qui utilise des références littéraires et françaises. D’une part, il utilise « Madame Bovary », qui est publié en 1857, et le premier volume de « La Recherche du temps perdu », qui paraît en 1913. Voici comment il justifie son choix : « Le grand projet de ses romans était, selon les mots de Milan Kundera, l’exploration des dimensions intérieures des lettres. Dans cette période d’introspection et de culture de soi, on peut imaginer faire dans le travail des photographes une riche moisson d’indices autobiographiques. Ces indices, nous l’espérons, nous aideront à atteindre la dimension intérieure. Ce faisant, nous pourrons peut-être mieux saisir pourquoi certaines images ont une telle emprise sur notre imaginaire ». Dans cette conférence, Pierre explore six destins de photographes, femmes et hommes. Il nous annonce assez malicieusement qu’il a renversé la proportion entre hommes et femmes, puisqu’il traite de 4 photographes femmes et de deux photographes hommes. 5 de ces photographes sont représentés dans la collection Gilman, une ne l’est pas. Il s’agit de Sophia Tolstoï, la femme de l’écrivain. Il inclut aussi à son exposé une autre photographe russe, une représentante de la famille impériale, une des sœurs du tsar, la Grande Duchesse Xénia. C’est une raison assez choquante. Nous sommes donc en ’93, l’exposition de « Waking Dream » vient d’ouvrir, c’est un succès absolument immense, un événement que le musée salue comme tel, puisque les photographies sont présentées dans le parcours des chefs du musée, ce qui n’avait été fait, je crois, qu’une fois auparavant. C’est donc un moment absolument exceptionnel, et tous les gens qui ont vu l’exposition, voire qui ont assisté à son vernissage, se rappellent une présentation et une fête inoubliables. Vous imaginez que pour les co-commissaires, qui étaient Pierre Apraxine et Maria Maurice Hamburg, la directrice du département de photos, se durent être des moments absolument magiques. Au-delà de l’exposition, Pierre devait travailler à la tournée de l’exposition, puisqu’elle irait ensuite à Édimbourg et à Washington. Or, à ce moment-là, il fait face à des problèmes de santé grave qui le préoccupent et l’épuisent, et par ailleurs, il vient de perdre sa mère et l’un de ses amis très proches. Et donc, il est confronté à la mort de manière très vive. Et puis, quelques semaines plus tard, il devra faire son premier grand voyage de retour en Russie. Sans doute son esprit est-il, à ce moment-là, aussi accaparé par la perspective de ce voyage. Tout cela pour dire que la conférence qu’il fait représente un enjeu personnel pour lui. Rien n’est jamais académique chez Pierre Apraxine. Tout doit relever, dans une certaine mesure, de l’expérience humaine. Il n’y a pas d’échelle de valeur inabstracto de l’art. Et si sa façon de regarder la photographie et de l’éclairer, et celle de l’expert, le choix de ce qu’il regarde, relève de choses intimes. Dans cette conférence, il parle tout d’abord de la Castiglione, puis de Sophia Tolstoï, puis de la Grande Duchesse Xénia, puis de la comtesse Greffeuille. Cet ordre m’intéresse. Il a la forme d’un pantoum baudelairien où les rimes ne sont pas croisées, comme dans la forme originale du pantoum, mais où deux rimes en embrassent deux autres. Je vous cite, pour vous éclairer, une strophe de « L’Harmonie du soir », qui est un pantoum de Baudelaire : « Voici venir les temps où vibrant sur sa tige, chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ; les sons et les parfums tournent dans l’air du soir, valse mélancolique et langoureux vertige ». Donc, tige, vertige, et au milieu, encensoir, soir. Il encadre les deux nobles russes par deux nobles françaises qui ne sont pas elles-mêmes photographes, mais font œuvre de photographie. Quelles raisons pour évoquer la Castiglione et la comtesse Greffeuille ? Quand quelques années plus tard, Erwin, qui était un ami de Pierre, a vu l’exposition sur la question, il a dit : « Mais la Castiglione, c’est Pierre ! Je ne dirais pas autre chose que cela ». Et je vous renvoie au livre que nous publions l’an prochain. Mais pourquoi la comtesse Greffeuille ? Voici ce qu’on dit Pierre. Madame Greffeuille était considérée comme la beauté suprême de son époque et la reine de la haute société parisienne. Marcel Proust, qui a fait sa connaissance en 1892, a été envoûté par sa beauté, l’élégance de sa personnalité et son aura de glamour absolu. Elle est devenue le modèle de la duchesse de Guermantes dans « La Recherche du temps perdu », et Proust l’a sollicitée pour sa photographie, ce qu’elle refusa catégoriquement, considérant les photographies comme privées et intimes, à ne pas donner aux étrangers. On peut se demander pourquoi Madame Greffeuille a-t-elle commandé un portrait aussi déroutant où elle et son double semblent engagés dans un jeu de deux rêveurs. Le portrait a été réalisé par Otto, le photographe à la mode des belles femmes et des enfants, qui avait un atelier place de la Madeleine à Paris. Son rôle ici, cependant, est similaire à celui que le fidèle Monsieur Pierson joua aux côtés de la comtesse de Castiglione. Le bon Monsieur Otto n’aurait jamais osé concocter par lui-même une telle composition. Comme la comtesse avant elle, Madame Greffeuille est l’auteure de son portrait. Oublions donc Otto, sinon simplement qu’il a prêté son savoir-faire dans la combinaison des deux négatifs. Quelle est la jeunesse d’une telle image ? Le thème du double, entre la littérature du 19e siècle, d’Edgar Allan Poe avec « William Wilson », à Robert Louis Stevenson avec « Docteur Jekyll et Mister Hyde », et Oscar Wilde avec « Le Portrait de Dorian Gray ». La confrontation avec un sosie mène toujours au drame. En photographie, cela prend généralement une tournure fantaisiste, mais le portrait de Madame Greffeuille est très sérieux. D’abord, les yeux de Madame Greffeuille, à qui Proust attribuait le véritable mystère de sa beauté, sont ici inopinément fermés ou détournés. Ensuite, nous avons la robe qu’elle porte, la blanche, totalement impraticable, étant en fait un drapé, ce qu’Otto a transformé en un objet merveilleux de l’Art Nouveau, mais aussi en une sorte de fantôme. On voit aussi l’opposition entre la jupe et le corsage blanc et la robe de bal en taffetas plus foncé. Et qu’en est-il de la pose elle-même, où la silhouette sombre semble sortir de la plus claire ? Nous savons, par une biographie récente, que Madame Greffeuille s’intéressait au spiritisme. Elle partageait cet intérêt avec des personnalités les plus éminentes de son temps, comme le mathématicien Poincaré et l’astronome Flammarion. On suppose ainsi que la plus sombre Madame Greffeuille est en effet une émanation de la plus claire. Se pourrait-il que ce portrait tente de donner forme à une partie de la personne dont l’expression demeure généralement cachée derrière la façade d’une vie sociale très disciplinée ? Nous savons, d’après certaines de ses notes, qu’elle avait travaillé très dur pour créer le personnage que tout le monde admirait comme Salambo. Elle ne se montrait jamais à la foule que du haut de son escalier ou entourée de rois s’il y en avait dans sa vie privée. Cependant, Madame Greffeuille n’avait pas la même chance. Elle avait la réputation d’être la femme la plus trompée de Paris. Le double plus sombre de Madame Greffeuille peut naïvement faire allusion à cette partie plus méconnue d’elle-même qu’elle gardait jalousement sous clé, comme elle l’a fait avec ce portrait qui ne quittait jamais ses appartements privés. Et bien sûr, il y a un élément narcissique dans ce portrait. Ce n’est pas inattendu de la part d’une femme aussi admirée, qui a dû passer de nombreuses heures devant son miroir qu’elle nommait « Celui qui ne sait pas aimer ». Pour toujours, je crois qu’elle a conçu cette photographie, qu’elle a présentée avec des traits idéalisés sur lesquels le temps n’a pas de prise, comme un miroir qui aurait bien la dimension d’un miroir. Un miroir qui reflète ce qu’elle ressentait être son véritable désir et qui ne la trahirait pas, mais resterait pour toujours un ami fidèle.
Sauf qu’à l’inverse de la comtesse de Castiglione, la comtesse Greffeuille n’a pas traumatisé un photographe durant 40 ans. La Castiglione, elle, a toujours utilisé les services du même photographe pour prendre des photographies d’elle, le fidèle Pierson, comme disait Pierre. Et donc, l’entreprise de la comtesse Greffeuille avec le photographe Otto demeure exceptionnelle. Sa présence dans la présentation de Pierre offre non seulement un pendant à celle de la Castiglione, mais aussi au sujet de l’exposition qui suivra celle de la comtesse, l’exposition que Pierre consacrera à la photographie spirituelle. Les deux autres photographes femmes que Pierre Apraxine évoque sont deux nobles russes et deux témoins d’un monde auquel Pierre dit avoir appartenu sans jamais l’avoir connu, la Russie d’avant la Révolution d’Octobre. Tout d’abord, une femme d’exception, la comtesse Sophia Tolstoï, femme de l’écrivain et photographe Sofia Andrieu. Elle épousa Léon Tolstoï en 1862, alors qu’elle avait à peine 18 ans, et lui, déjà 34 ans, était un écrivain célèbre. Pendant près de 50 ans, Sophia Andriefna sera la secrétaire de son mari, copiant ses manuscrits, corrigeant les épreuves, traitant avec l’éditeur, et elle mit au monde 12 enfants tout en gérant leur propriété de campagne. En 1887, elle achète un lourd appareil photo Kodak sur trépied, et pour ces photos, elle utilisera un négatif sur verre qu’elle devra développer. Elle ne commença vraiment à se consacrer à la photographie qu’à partir de 1895, pour se distraire de la mort de son plus jeune fils, et elle arrêta de photographier à la mort de son mari en 1910. Elle-même mourut en 1919, pendant la Révolution. Elle laissa plus de 800 négatifs, qui sont conservés au Musée Tolstoï de Moscou, et en 1911, elle publia une sélection de 120 d’entre eux dans un album de phototypies vendu à des fins caritatives. Pierre nous fait remarquer à quel point Sophia Andriefna était vraiment une bonne photographe. Tolstoï détestait poser pour les peintres et les sculpteurs, alors Sophia réalisait des études pour eux. Ici, sur cette très belle photo de 1909, elle a surpris Tolstoï dans un moment d’intense et fort mental. L’objectif est braqué sur sa tête chauve, l’espace autour du personnage s’effondre en un seul plan aplati, et la table et le papier deviennent un piédestal soutenant le buste de l’écrivain. La photographe nous montre Tolstoï tel qu’elle voulait que nous le voyions, un géant entré dans l’histoire, oublié de son environnement, vivant dans l’énergie comprimée de son esprit. La grande période de production photographique de Sophia Andriefna coïncide avec la période la plus difficile de son mariage, et son sentiment de tragédie imminente traverse sa chronique. A-t-elle utilisé la photographie comme un divertissement ou répondait-elle enfin aux besoins de donner à la vie sa propre expression ? Savait-elle que ses plus belles images contenaient une indiscrétion brutale ? Quelle que soit la réponse, son travail, si intimement lié à la vie de son mari, n’en reste pas moins digne d’intérêt. Dans l’un de ses journaux, elle dit que son mari est contre « l’immense émancipation des femmes, contre la soi-disant égalité des droits », et que peu importe ce que la femme faisait, qu’il s’agisse d’enseignements de médecine ou d’art, elle n’avait qu’un seul but réel dans la vie, et c’était l’amour sexuel. De sorte que quoi qu’elle puisse s’efforcer d’accomplir, ces efforts s’effondreraient simplement ensemble. Le travail de Sophia Andriefna est son meilleur démenti. Si la Castiglione a produit plus de 800 photographies en 40 ans, Sophia en a fait le même nombre en 15 ans, et la Grande Duchesse Xénia plus de 1 120 en moins d’un an. La photographie était une obsession de la famille impériale russe. Ses membres emportaient partout leur appareil photo Kodak et faisaient énormément de photos. L’album issu de la collection Gilman a été réalisé par la Grande Duchesse Xénia, comme je le disais tout à l’heure. Et elle est l’une des sœurs du tsar. Cet album date de 1904-1905, année de la guerre russo-japonaise et des premiers craquements réels dans la société russe. Cet album ne s’en fait pas du tout le reflet, tout juste montre-t-il parfois le tsar bénissant les troupes partant au front. Mais on voit que bien souvent, ce sont plutôt des scènes d’amusement et des scènes intimes qui sont décrites. Écoutons Pierre. C’est dans ce contexte tumultueux qu’il faut apprécier l’album de la Grande Duchesse, journal intime ou film amateur, cela n’affecte pas le ton. Il montre un amour du plaisir simple qui contraste avec la grandeur des palais et des parcs. Mais les abords privilégiés sont en fait des caches dorés des forteresses, comme Gatchina, où la famille passe tant de temps, parce que ce n’est que là qu’elle se sent en sécurité. En dehors, les grands ducs et leurs familles étaient des cibles. Ils en étaient conscients et ne l’oubliaient jamais. Ce qui explique peut-être le plaisir qu’ils prenaient à s’observer vivre et l’accumulation maniaque d’images de petits plaisirs et de bonheur domestique. Pierre et Gilman étaient homosexuels. Ils n’en faisaient pas de leur homosexualité une bannière, mais ne la cachaient pas non plus. Et comme tout ce qui est au fondement de la façon de collectionner de Pierre, elle pouvait prendre une part dans ses choix artistiques. Issu d’une famille aisée du Massachusetts, Frederick Holland Day fonda la maison d’édition Copeland & Day et publia l’édition américaine de « Salomé » de Wilde, dont il devint un ami. C’est l’intérêt de Holland Day pour la littérature qui le conduit à la photographie. En tant que photographe, il se fit connaître avec la série « Nubian » de 1896 et 1897, où il photographiait son chauffeur noir, Alfred Daniel, en chef africain. Pierre nous dit encore plus, comment érotique l’image du nu apparaît ici, simplement comme une référence au classicisme. Holland Day fut l’un des premiers photographes à concevoir le nu non pas à travers le prisme du pittoresque, mais à travers celui de l’idéal classique. L’effet global recherché par le photographe est celui d’une sérénité hellénistique, païenne. Sa démarche est aussi certainement loin des études pseudo-anthropologiques des humanistes d’autres photographes, comme Charnay, dont les images se voulaient classées dans l’histoire naturelle. Holland Day appartient à l’histoire de l’art depuis l’époque du mouvement romantique. L’Europe et le monde occidental, en général, avaient ressenti le besoin d’échapper aux normes d’une société bourgeoise de plus en plus étouffante et de rechercher un exotisme. Il existe en cela une longue tradition littéraire et visuelle. Dans une lettre à George Sanders, il écrivait : « Contrairement à vous, je n’éprouve jamais un sentiment de vie qui ne fait que commencer. Mon moi actuel est une conséquence de tous mes mois disparus. J’étais batelier sur le Nil, proxénète à Rome au temps des guerres puniques, puis rhéteur grec à Suburra, où j’ai été dévoré par les punaises de lit. Je suis mort pendant les croisades pour avoir mangé trop de raisin sur la plage de Syrie. J’étais pirate et moine, certaines banques est-cochées, et peut-être empereur d’Orient, qui sait ? » La passion pour les voyages et singulièrement pour l’Égypte a traversé toute la vie et la recherche de Pierre Apraxine. Son regard s’est longuement porté sur l’œuvre d’un photographe américain mort à 24 ans, Jay B. Green, dont la vision des paysages égyptiens recoupait le goût de Pierre pour l’art minimaliste et conceptuel, sans que pour autant les deux puissent être associés comme on a pu être tenté de le faire. Et c’est cette sobriété, cette quasi-disparition du sujet, entre abstraction et évanescente, qui nous ravit. Mais c’est notre œil du 21e siècle qui réagit aussi probablement, pas celui d’une personne du Second Empire qui aurait trouvé cette photographie si vide qu’elle en est sans sujet, alors que l’inaccessibilité de ce même sujet nous ravit, parce que nous avons lu « Le Désert des Tartares » de Buzzati et aimé l’économie extrême de Marguerite Duras. Les paysages du Nil vus dans la photographie ancienne ont donné lieu d’ailleurs à une très belle exposition imaginée par Malcolm Daniel, puis organisée par Pierre et Jeff Rosenheim, inaugurée au Metropolitan Museum le 10 septembre 2001, et à laquelle je crois que Serge a assisté. On se rappelle de quoi le 10 septembre et la veille. Son vrai transition dans sa conférence, mais nous introduisons à l’une des images qu’il m’a le plus commenté dans nos conversations. Pierre évoque l’autoportrait de Stanislas Ignac. Je vous cite une étendue analyse qui nous apprend tant de choses de sa vision de l’art et de la vie. Créée vers 1912, alors que Witkiewicz avait 27 ou 28 ans, ce portrait ne ressemble à rien de ce qui a été vu jusqu’à présent en photographie. En effet, la recherche de la vérité psychologique culmine dans un défi douloureux. Recadré pour mettre en valeur et se concentrer sur les yeux, le visage de Witkiewicz se soumet à une interrogation impitoyable. Son regard est tout intérieur, il perce les carapaces protectrices érigées par le moi pour atteindre son fondement même. Il affronte de front le mystère de la conscience et son corollaire, l’angoisse existentielle. Il ne suffit pas, écrit Witkiewicz, « d’exister simplement, sans réfléchir passivement, négativement. Il faut manifester plus clairement l’existence sur fond de mort possible et de néant environnants ». Tel était le programme de la vie de Witkiewicz, dans l’art, poursuivi avec une vigueur inlassable à travers ses nombreuses activités : peinture, photographie, théâtre et philosophie. Son travail est aux prises avec le thème sous-jacent de toute la pensée du XXe siècle : l’absurdité essentielle de l’existence. Ce premier portrait ferme la porte aux précédentes tentatives d’auto-définition. C’est une image de la condition des hommes contemporains.
La photographie est au 19e siècle l’instrument d’une émancipation, sans doute pas dans des termes historiques ni sociologiques, mais tout de même la marque d’une liberté. Pierre avait observé cette liberté chez sa mère, qui avait été obligée de travailler après la guerre. Elle croyait toujours que son mari était en vie, mais il n’était pas revenu de la guerre. En réalité, il était mort, et elle fut privée de ressources par sa famille, qui désapprouvait sa manière d’éduquer ses fils. Cette femme qui se réveille dans sa jeunesse, pianiste concertiste, devint comptable. Pierre était aussi le petit-fils de la femme d’un gouverneur de l’Empire russe, assassiné au début de la Révolution. Ce grand-père s’était ingénié à rebâtir le domaine estonien où Pierre passa les cinq premières années de sa vie, et où il n’eut de cesse de revenir, notamment avec vous, Serge. Pierre avait ce rêve des grands espaces qu’il avait quitté enfant. La vie s’est chargée de lui rappeler que certains rêves sont des fantasmes stériles, et qu’il y a bien plus dans ce que l’on a accompli dans l’intervalle. Il y a une œuvre indélébile, portée à bout de bras pendant près de 30 ans, durant la vie de Howard Gilman et au-delà, pour que la collection Gilman, créée par Pierre, conserve son intégrité en entrant au Metropolitan Museum de New York. Sa vision de la vie était en accord avec sa façon de collectionner : curieuse, généreuse, honnête, bienveillante. Pierre était, comme nous tous, pétri de défauts, mais plus que beaucoup d’entre nous, un homme essentiellement bon. Étrangement, je crois que cela a participé à sa capacité à assembler la plus belle collection de photographie ancienne au monde. Cette œuvre incomparable fait de lui un merveilleux artiste. Laissons-le conclure. Revenons maintenant sur ce que nous avons appris dans notre tour de ces images. Ce n’est pas très édifiant. Nous avons entendu le soliloque déchirant de la comtesse de Castiglione, perdue dans une galerie de glace. La vie de Sophie Tolstoï sans son mari est comme une boîte vide, et la Grande Duchesse Xénia est le partenaire silencieux de l’histoire elle-même qui attend son heure. La comtesse Greffeuille, Frédéric Hollandais, dévoile dans une délivrante confession le caractère ambigu de leur désir, et le désespoir de Witkiewicz à la densité noire d’une étoile effondrée. Le bilan n’est pas réjouissant, mais aurait-il pu en être autrement ? N’est-il pas inhérent à la nature de la vie d’afficher son caractère incomplet, et dans la nature de l’art de chercher du sens et de l’unité à cheval sur la vie et là ? Comment la photographie pourrait-elle ne pas révéler le dilemme essentiel de ce créateur ? Je déteste vous laisser avec cette question, ajoute-t-il. L’une des photographies les plus populaires de l’exposition s’intitule « Qui sont-ils ? ». Elle montre un groupe revenant d’une chasse au renard dans la campagne romaine, photographiée par le comte Primoli en 1899. Où réside la très poétique et amère densité de cette image ? N’est-ce pas dans la tension entre les silhouettes verticales des personnages en mouvement et la ligne d’horizon, dans laquelle, attirés comme par un aimant, ils sont voués à disparaître ? Les personnages poursuivent leur course, chacun à son rythme. En effet, nous ne saurons jamais qui ils étaient vraiment, mais nous savons qu’ils disparaîtront, nous laissant méditer sur le gracieux souvenir de leur passage. On en sait un peu plus sur la vie des photographes que nous avons examinés. Comme ces chasseurs, ils ont maintenant dépassé l’horizon, nous laissant poursuivre notre propre voyage, enrichi par l’expérience et peut-être, qui sait, à notre insu à cet instant précis, un photographe recueille dans une image la poésie singulière de notre cheminement. Et Pierre dit encore, comme je le fais aussi, merci. Voilà, merci beaucoup. Bon, je pense s’il y a des gens qui veulent poser des questions… Je veux juste ajouter une chose tout de suite, un peu aussi de la part d’un membre de la famille de Pierre qui avait essayé de venir, mais n’a pas pu venir, de donner un détail. On dit qu’il est né en Estonie, parce qu’en fait l’endroit où il est né était sur la carte de l’Estonie en 1934, mais il est né dans quelque chose, un endroit, un espace politique géopolitique assez difficile à décrire. Vous connaissez un peu l’histoire de la Russie, de la Révolution bolchevique, des guerres qui ont suivi, qui ont été fort longues. Mais la paix, la première paix qui a été signée par le régime bolchevik, a été avec les pays baltes, pour la frontière du Nord-Ouest, et à la création des pays baltes, il y a une vallée qui s’est retrouvée de l’autre côté, et elle s’est retrouvée de l’autre côté pour une vingtaine d’années seulement, autour d’un monastère qui s’appelle le monastère de Pechory, et vivait là 15 000 russes, surtout des paysans, mais également quelques moines dans le monastère. Il se trouve qu’une des immenses propriétés appartenant à la grand-mère de Pierre était dans cette région, et le premier président de la République estonienne, qui avait une sorte de dette d’honneur parce que le grand-père de Pierre, qui a été gouvernant militaire, a été tué par un sniper pendant la Révolution de février, a gracié des prisonniers politiques baltes et estoniens. Et donc l’homme qui devient le premier Premier ministre de ce pays désormais indépendant devait la vie quand même au fait d’avoir été gracié, et il propose à la grand-mère de reprendre une partie des terres. J’en profite pour raconter, reprendre une partie des terres, parce que les Estoniens, le gouvernement estonien de ce pays qui retrouve l’indépendance pour la première fois, appliquent une collectivisation, quand même une demi-collectivisation, même si elle possédait par exemple 50 000 hectares, elle avait le droit d’en reprendre 50, 50 par personne qui viendrait vivre là. Mais de toute façon, la grand-mère a décidé d’y retourner, car c’était le seul morceau de Russie qui a survécu avec ses anciennes traditions, avec sa paysannerie, avec ses rites orthodoxes, avec ses pops, le seul morceau où 15 000 russes sont restés. Et la grand-mère de Pierre était le personnage le plus important de cette région, et elle a même organisé les visites d’ethnographes du monde entier, qui sont venus voir, car ils se rendaient compte de la fragilité de cette survivance. La suite de tout ce qui s’était passé, en particulier dans les années terrifiantes de la Terreur rouge de Staline. Donc elle organisait des séminaires en été, un festival de santé populaire. Et Pierre a donc vécu les cinq premières années, parlons russe, vieux russe, dans une anomalie de l’histoire. Voilà, je voulais juste compléter comme ça. Je peux raconter ça aussi, je vais raconter ça aussi. 10 septembre 2001, le Metropolitan Museum avait décidé d’organiser, pour la première fois, une exposition sur la découverte du tombeau de Toutankhamon. Il s’agissait d’une grande exposition du département d’antiquités égyptiennes. À cette occasion, le département de photographie, avec Pierre, avait travaillé sur une petite exposition de photographie, en comparaison avec le nombre de salles impliquées. Et avec Inès, nous avons été invités. J’avais trouvé un billet avec Icelandair. Nous sommes arrivés à New York. Inès s’était foulé la cheville, et Pierre avait organisé qu’elle puisse être promenée. Nous avions un petit fauteuil très confortable. Et nous sommes arrivés. La fête était grandiose, grandiose à l’américaine, à la new-yorkaise, c’est-à-dire qu’il y avait le temple d’Endou. Vous savez, le temple que l’Égypte a offert aux États-Unis, le temple complet qui a été démonté bloc par bloc et remonté dans une aile du musée métropolitain. Il y avait des petits fours partout, de l’alcool à flot, des tambours, d’énormes candélabres tenant des feux, pas des… c’est pas des bougies, c’était des véritables… ça s’appelle photophore, je sais pas. Mais de grande taille. Et surtout, vous aviez ces énormes baies vitrées sur Central Park, comme vous avez ici sur l’Adriatique, avec à l’extérieur des nuages noirs et un ciel déchiré d’éclairs, comme si c’était la colère absolue de Toutankhamon. Le tout, le monde était très, très effrayé par cette tempête soudaine. Et donc le lendemain, quand nous sommes réveillés, il y avait les télévisions qui étaient interrompues. On voyait de la fumée, on voyait des choses. Je me rappelle être monté sur le toit de l’hôtel. Nous avons réussi à joindre Pierre, qui nous a invités à le rejoindre tout de suite en disant : « Attention, les téléphones marchent de plus en plus mal ». Nous avons pris un taxi. Je me rappelle, on a vu même, il y avait tous ces gens qui couraient, couverts de plâtre, qui venaient dans l’autre sens. Pierre habitant à la douzième rue Ouest, nous nous rapprochons en fait du sud de Manhattan. Et nous avons été accueillis chez lui. Nous avons donc vécu quelques jours, Inès étant une jeune maman avec des enfants en bas âge. Heureusement, on a réussi à joindre une seule fois les grands-parents pour qu’ils s’occupent de nos filles à Paris, en France. Et avec Pierre, on avait décidé, on avait supprimé les journaux, coupé la radio. Il n’avait pas la télévision, pour qu’il n’ait pas à s’inquiéter et puisse lire des livres de poésie et tout ça. Et nous, nous sortions tous les deux dans la rue, essayant de glaner des informations. Et je me rappellerai toujours un soir, nous sommes sur Houston Street, qui était la rue la plus proche des deux tours jumelles. Le quartier avait été interdit, barricadé. Il y avait la foule dans un bar, et la télévision du bar montrait CNN. Il y avait un reportage, et tout d’un coup, est apparu le portrait de Ben Laden. Et Pierre disait : « Mais je sais pas comment ils ont fait ça, mais c’est incroyable par rapport à toutes ces images médiocres, confuses, ce vacarme, ce bruit, s’il avait tout d’un coup ce portrait, qu’il est beau ». Donc, je fais attention à ce que je dis, mais l’analyse, la force des images, la façon de Pierre, venant d’une famille, d’un pays qui a connu énormément de violence et dans les moments de choses, et sa manière toujours de regarder, de chercher une élégance, une quelque chose à dire, un commentaire, même dans les moments les plus incroyables. Je viens, je reviens de New York, moi. J’avais vu Pierre la dernière fois, c’était au mois de janvier cette année. J’allais le voir assez souvent. Et là, le Joe, son secrétaire, m’avait dit que si j’étais passé à New York, il y avait deux, trois choses à prendre, de trois livres. Et puis, il y avait une petite photo que je vous ai amenée pour vous montrer, parce qu’on n’a pas arrêté d’en parler. Donc ça, c’est mon héritage. C’est un petit portrait de Léon Tolstoï jeune. Vous venez de voir Londal, en 1849. Il n’y a pas de photographie sur papier en Russie. C’est en fait une reproduction d’un daguerréotype aujourd’hui disparu, et c’était une photographie en or que j’avais découverte dans un de mes voyages, parce que j’allais souvent en Russie, et Pierre aimait beaucoup que je lui raconte les aventures russes. Et donc voilà, je lui ai cédé, et il me l’a retournée. Voilà, je vous invite à le regarder tout à l’heure. Je ne sais pas si vous voulez savoir quelque chose, si quelqu’un veut poser une question, car là vous avez le biographe, l’auteur éditeur des mémoires. Donc, c’est une occasion rare.
Juste pour reprendre ce que vous disiez à propos du grand-père qui a été assassiné, Pierre avait de multiples versions de cette histoire parce qu’il n’était pas sûr de ce qu’on lui avait raconté ou de la vérité. Il était toujours, et c’est ça qui était très beau dans son regard, c’est qu’il savait qu’il y avait la légende et la vraie histoire, et ça c’était aussi toujours dans son regard, dans la photographie. Enfin, il me semble que lorsqu’il regardait une image, il regardait ce qu’il y avait à voir et au-delà, et notamment dans ce meurtre, on lui a raconté toute sa vie qu’il avait, que son grand-père faisait un discours ou aller faire un discours, enfin bon, voilà, et qu’il y avait un sniper qui est là-dessus. En vérité, il a été trimballé, enfin tout de suite on est allé le chercher dans son palais qu’il avait, que le grand-père avait fait évacuer pour que personne d’autre que lui ne soit tué. Et il a été tout de suite sorti dans la rue et traîné, et sa tête découpée, enfin ça a été une boucherie invraisemblable, quoi. Pour les gens qui s’intéressent un peu, je vois qui s’intéresse un peu à l’histoire de la première révolution, celle de février qui a donc eu en mars 17, le grand-père, le général Von Bounting et gouverneur de la région de Dvers. La région de Dvers, si vous avez pris le train de nuit le « Krasnai Streilla » entre Moscou et Saint-Pétersbourg, c’est à mi-chemin. Et cet endroit est stratégique, parce que, au début de la Révolution, il y a une des deux capitales russes qui est du côté révolutionnaire, l’autre qui n’est pas encore, et donc le gouverneur au milieu aurait peut-être pu faire basculer l’issue du conflit encore incertain. Il est donc dans son palais de représentants du pouvoir impérial qui a été attaqué, voilà, c’est la version, et selon la version de Pierre, c’est un sniper. Il n’était pas sûr après. Pendant que, pendant qu’il y a les préparatifs de l’atelier de photographie à travers une boule de cristal, je vais raconter quand même aussi une des missions en Russie que m’avait confiée Pierre, parmi les plus complexes qui a eu lieu la même année, 2001. Il me créditait de beaucoup d’intrépidité et donc, il m’a dit, je sais pas qui est-ce qui pourrait résoudre ça, mais on peut essayer. Il me dit : « Voilà, voilà le sujet. Il y a ce monastère qui est pas loin de l’endroit où je suis né, ce monastère de Petchora. C’est un monastère qui est redevenu après la perestroïka occupé par les moines, et qui est un lieu maintenant très important de pèlerinage. Et il faut essayer d’y arriver. Il faut essayer de négocier avec les moines d’obtenir la clé des catacombes. Dans les catacombes, il y a un moment, un tunnel qui est à nouveau fermé par une autre clé. Il faut essayer d’obtenir celle-là, qui est encore plus difficile, et il faut aller vérifier les inscriptions sépulcrales des tombeaux d’une certaine grotte. » Et il dit : « Je sais pas comment, je pense que là, pour atteindre le monastère qui n’est pas vraiment indiqué sur les routes et où les étrangers ne sont pas les bienvenus, il faudra d’abord essayer de rencontrer l’évêque de Pskov. » Et pour l’évêque, il me donne cette lettre. Voilà, donc il fallait trouver, il fallait arriver en Russie, il fallait trouver une ville qui s’appelle Pskov. Il fallait trouver l’évêque. Je suis allé avec mes assistants, Jean Mathieu. C’était le 20 juin ou le 21 juin 2001. Et comment fait-on pour trouver un évêque dans une ville où on ne connaît pas, dans un pays qu’on ne connaît pas beaucoup, on ne parle pas la langue ? Bon, mon système était d’utiliser le réseau des libraires de livres anciens. « Libraire de livres anciens » en russe, ça se dit « bouquiniste », c’est un mot facile qui vient de l’époque de l’occupation russe de Paris en 1814. C’est un des mots qu’ils ont ramené. Alors, j’ai trouvé, j’ai fini par trouver un assez bon livre quand même chez le bouquiniste, et puis là j’ai essayé d’expliquer, je sais pas comment, comment je fais pour rencontrer l’évêque. Et il me signifie avec des gestes, avec quelques mots, que, il a un voisin qui est prêtre, et on va essayer de le trouver. Et on y va, on part, on marche dans les quartiers, et au moment, on s’approche, on voit justement le prêtre qui sort, et le prêtre en lui tend la lettre, il devient très très préoccupé aussi, il s’aperçoit que je ne parle absolument pas russe, il me demande de le suivre. Et il se trouve qu’à Pskov, on était en train de faire une cérémonie pour le 60e anniversaire de l’opération Barbarossa. Et donc sur la colline, il y avait l’évêque, il y avait tout le clergé local orthodoxe, il y avait les chorales de l’armée rouge, il y avait les orchestres, il y avait des milliers d’anciens combattants, il y avait une délégation gigantesque allemande. Et nous, nous étions en short, en tennis, pas prêts pour cette aventure. Mais on m’amène quand même, étant donné l’importance de la lettre écrite par Pierre et son frère Nicolas Apraxine. Cette lettre était prise tellement au sérieux qu’on m’a amené jusqu’à l’évêque, qui m’a dit : « Installez-vous là, au premier rang. » Et tous ces généraux, anciens prisonniers, me regardaient un peu chagrins, pourquoi ils m’ont demandé, mais qui êtes-vous ? Et je dis, je sais pas quoi répondre, c’était trop long d’expliquer. J’ai simplement dit qu’on représentait Verz, voilà, comme ça on nous a laissé. Nous avons fini par arriver au monastère avec une lettre signée et avec la chevalière, la bague de l’évêque, comme dans les films. La bague, la chevalière. En apercevant le goumène, le supérieur du monastère, un peu loin, qui était en train de parler au milieu d’une roseraie avec de jeunes séminaristes, j’ai pris mon élan, je suis parti en courant, coursé par différents moines un peu bourrus. J’ai aussi dû sauter une haie. Arrivé, essoufflé, jusqu’à l’île humaine, j’ai tendu ma lettre. Il l’a lue, il l’a regardée, il m’a dévisagé, et aussitôt, ses traits se sont transformés en une autre nature, un peu comme la grèfle blanche devant la noire. Et il est devenu un officier de police parfait en me disant : « Vos papiers. » J’ai tendu mon passeport, et il a vérifié que c’était bien le nom qui était indiqué. Et nous avons été invités à dormir au monastère. Nous avons fini par trouver la clé. Nous avons, voilà, c’est une très longue histoire, nous avons fini par accéder aux cavernes du XVIIe siècle et par découvrir qu’il y avait vraiment un problème dans la description. C’est plus grave, le tombeau ça crée de la famille. Le sujet était négocié avec un chef mafieux qui cherchait à gagner le paradis pour son âme et qui avait été logé là. Donc cette erreur a été corrigée et quand nous sommes retournés un peu plus tard, on a demandé ce qu’il s’était passé et on nous a répondu simplement que l’inguème, le chef du monastère, était maintenant en train de s’occuper d’un autre monastère, tout en haut, tout au nord de la Sibérie. Voilà là-dessus, donc je vous propose sans plus de transition de regarder. Nous avons Patricia Loconte et Enea Discepoli qui ont préparé un atelier de photographie à travers la boule de cristal, car comme beaucoup d’anciens Russes, Pierre aimait interroger les Augures, les aruspices et les sibylles, les sorcières, avant de prendre un voyage, pour savoir pour quel jour il devait prendre son billet d’avion transatlantique, dans une vieille tradition.
The video is online, here’s the French text and an English translation
Welcome everyone, thank you for coming. Today is May 19, 2023, the second day of meetings for the 3rd Senegalese Photography Biennial. It’s 6:15 p.m. and we’re in the rotunda by the sea. I’m going to hand over to Jean Poderos. Jean Poderos is a publisher, more specifically a publisher of children’s books and fine books. He has published over 250 books with his publishing house, Éditions Courtes et Longues. For example, he has published a book on Hugo Pratt and a book on the photographer Thiollier in collaboration with the Musée d’Orsay during an exhibition. I’ll now hand over to Jean. Thank you Serge and good evening everyone. Serge has done it, so I’m not going to introduce myself, but I’m not going to introduce Pierre Apraxine either, who I’m going to talk to you about for a few minutes, and who’s going to reveal himself to you little by little. For those of you who don’t know him, I can tell you that Pierre’s story, my story with Pierre, is the story of an encounter that didn’t happen in 2000. He was organizing an exhibition on the Castiglione at the Musée d’Orsay, and Jean-Michel Ottoniel, the artist Ottoniel, who’s a friend of mine, called me and told me that I was working for your magazines at the time, so I was a journalist, and he said, « Come on, there’s this exhibition, it’ll be interesting for you to meet Pierre Apraxine. » I didn’t go to see Pierre Apraxine, nor did I go to see the exhibition at the Castiglione. I didn’t see that exhibition, which is a great regret today, but that’s the way it is. And then, Pierre, I met him again through another artist friend, Sorbelli, Alberto Sorbelli. You’ll see that Italy is very present in all this. That was in 2005, and I met Pierre on several occasions, notably at dinner parties, where we laughed and chatted. We laughed and chatted, and sometimes curiosity is something that’s sorely lacking, so I didn’t really know what Pierre did for a living. And then, a few years later, I was reading Tolstoy’s « War and Peace », and in « War and Peace », there’s a Count Apraxin. One evening, I was invited back to Sorbelli’s house, and I asked Alberto if Pierre would be there. He said, « Yes, Pierre will be there. So, as soon as I arrive, I throw myself at Pierre Apraxine and say, « Pierre, there’s a Count Apraxine, just like you. » Of course, he doesn’t forget that, and immediately replies, « Yes, but that’s not the branch of my family. » And just like that, he begins to tell me about his life, and to tell it to me through some sort of correspondence, including talking about the places where he lived. And this conversation lasted over an hour and a half. It was a hubbub, as parties often are, but I was completely focused, because he was telling me, and by the incredible story he was weaving for me. At the end of this long conversation, I said to him: « But Pierre, have you ever thought of writing your memoirs? » And Pierre, who was a great man, well, you can’t really see that he’s a great man, but he’s very great, he was always, it was a bit gangly, and then not. And that’s it, sometimes I’m a bit slow, that was it, it must have been in 2015-2016, and it still took me almost three years to constantly turn this idea over in my head, and tell myself that maybe I should suggest that he write his memoirs anyway. Finally, I mentioned it to Jean-Michel Ottoniel and Alberto Sorbelli, and asked them if they thought it would be a good idea. They both said, « It’s an excellent idea, and no one has ever suggested it to him, it’s fantastic, you’ve got to suggest it to him, but he’ll say no. » So, okay, I send him a very short letter, and three weeks later, Pierre replies: « Let’s do it, on the sole condition that I don’t write. » So I had to think of someone who could do it. And Pierre lived in New York, I lived in Paris, so it was a bit complicated. And Automniel, still him, said to me: « Of course, you’re the one who’s doing it, I’d never thought of that solution. » And when he told me that, I said to myself, in fact, he’s right, I’ve got to do it. And Pierre and I organized our first trip. It was in November 2019. Pierre was very tired at the time, hospitalized in a nursing home, and I went to see him. And the first conversation was terrible, because, he told me, « No, no, but we’re never going to do that. » Me, I’d crossed the Atlantic, I was right there for him. And he said to me, « No, no, we’re stopping this, it doesn’t make sense, » in a very, very virulent, almost virulent way, whereas he’s a very gentle man, and I’d always known him to be smiling, funny. And then he got really angry. I call Sorbelli, I say, « Look, here’s the thing, Pierre tells me he doesn’t want to do it. » I wander the streets of New York like this, and then finally, I find a payphone, and I call him, and he says, « No, no, but that’s out of the question, you’re there for that, you call him, you call his assistant, and tomorrow, you go back, you’ll be there at 3pm, and you’ll start working. » That’s what I did, and the next day, everything had changed. There was an incredible break in the weather, and Pierre started talking to me, opening up. So that was the first trip, and then the second trip was in January 2020. And then, you know what happened next, there was the Covid, and so I had to interrupt my travels, and we decided to have telephone conversations once, twice, three times a week, until the borders reopened, and I too, depending on my work, could travel. So I went to see him again in November 2022, and one last time this year, in February, and a week later he passed away.
Pierre Apraxine is a man of thought. Sylvie Aubenas, director of the photographic department at the Bibliothèque nationale de France, explains that he developed such a rich train of thought that it’s sometimes hard to keep up. I quote from an article she wrote on Pierre, where she says: « The thought of this Proust reader unfolds in a long volute, stretching like a cloud with impalpable contours. We don’t immediately understand what he’s getting at, what he’d like. You almost worry about him. And then, suddenly, the cloud turns to rain and lightning. » For me, as I said from the first memoir-related conversation, I got the impression that he was thinking in correspondence, what he called once he started reading what I was writing for him, « drawers ». And another thing that emerged throughout this project, right from the start, was the need for me to hear and identify his voice, and the sources of his voice. There were many sources. Obviously, there was what he told me first-hand. There were also his texts, notably the very large book he wrote for the collection he put together for Gilman, which I mentioned earlier, and interviews with his friends, notably Serge. The extensive press review he had amassed – Pierre was an extremely organized man, he had a press review on him that was absolutely prodigious. Personal documents, notably his mother’s autobiography, which she had written right up to the time of the war. And you’ll see why, the apartment where he lived on 12th Street in New York, which was not a temple of decoration, but a place that was a kind of portrait of himself, where we had, I don’t know, an armchair by Joe Colombo, we had Peruvian pottery, we had a tapestry from Azerbaijan, we had twelve Becquists, well we had photos, of course, paintings, a very beautiful sculpture by Juan Cristobal, different things. And then, there was also his eye, and that’s something I perceived a little later, when we started collecting or looking at the photos we could include in the book, in the memoirs. I noticed that he had a very slow eye, in fact, when he looks at an image, he takes a long time, a kind of patience that sets in like that, and finally, after a while, he would point out a detail that we hadn’t seen at all. So, I don’t have an image like that in my mind, a landscape, and all of a sudden he says to me: « Ah, did you see that mushroom there? » Even if I looked very carefully, I still didn’t see the mushroom, but he still had this synthetic, analytical eye, and at the same time, an eye for detail, a kind of exhaustive eye. And then there were the lectures, and his lectures, you’ll see, played a very important role in his life, because two of them, in any case, were monuments to which he often returned in our conversations. Pierre was born on December 10, 1934 in Estonia, with his family. They went into exile in Belgium in 1939, and he stayed there until the late 60s. From 1966, he advised banker Léon Lambert on decorating the bank’s offices. When I say decoration, I mean the decoration of works of art. They were the first in Europe to commission works by Sol LeWitt and Tony Smith. In 1969, he was awarded a Fulbright Fellowship, which, as you know, is very prestigious, and he went to the United States, and became curator for a Bowmont department that has now disappeared, called the Hartley E. Lanning Service, which was used to lend or rent exhibitions and works to companies that wished to do so. In 1976, he met Howard Gilman, who was a paper magnate, the largest paper industrialist in the United States, and Gilman too wanted to furnish his offices with works of art. Pierre proposed three collections to Gilman, bringing together three collections. The first, the one he donates, the art he knows, a collection of minimalist and conceptual art. The second, a photography collection. And the third, a collection of utopian architectural drawings. The first was sold at Christie’s in 1987. The third, a collection of architectural drawings, was donated to the MOMA. As for the second, photography, well, it turned Pierre’s life upside down, and undoubtedly also the destiny of old photography. Here’s the first image that inspired Pierre to photograph and collect old photographs. It’s a photograph by Baldus called « Un après-midi à la Faloise », which he bought in 1978. I’ll just quote this passage, but I’ll quote two parts of the text from the memoirs, as Pierre formulated them. A photograph by Baldus, entitled « Groupe dans le parc du château de la Faloise », evokes Chekhov’s « The Cherry Orchard ». Who are these seated people? Is the lady at the far right, protected by her parasol, Lyubov Andreyevna Ranevskaya, the aristocrat dispossessed of her property? And alone on the left, Trofimov, the student brooding over his suicide. Where is the merchant Pétia, who will save his contemptuous friends from ruin? I bought this photo in Paris in 1978. It acted as a revealer of the Gilman collection to come, as it captures, like very few works, the fabric of its time. On the left, the photographer dominates his model, who obeys him. And on the right, the camera is free, uncontrolled and in depth. On the left, scattered on the right, an impressionist aesthetic avant la lettre. He goes on to explain why this photo was so important when he saw it. « I was certain that my eyes were not deceiving me. Photography enthusiasts of the time preferred Victorian accumulations. As for me, I had too much taste for American conceptual minimalism to pay them any attention. La Faloise is devoid of the detail that makes Victorian photographs so spicy. You don’t really know who’s there, or why. I’ve never been interested in this kind of modeling. Here, it’s a whole world that you carry with you, everything you put into it, Impressionism, the cherry orchard and so on. Obviously, Baldus couldn’t have thought of it, but what makes this photograph a masterpiece lies precisely in what the photographer didn’t put into it, in the correspondences we find. I was sure I had to buy it. It was very expensive, and I didn’t yet have a Harvard scholarship. I went back to New York and told him we had to have the photograph. Not only did we have to buy it, but it was these old photographs that we had to collect. The Gilman collection was there, every collector’s dream, and to make one’s collection unique. With this photo, I could see the possibility. » The collection therefore began in 1978, and gradually took shape and developed quite rapidly. So much so that it attracted the attention of New York’s Metropolitan Museum, and in particular the director of the photography department, Maria Morris Hambourg, who quickly made it her mission to acquire this collection, which was still in the making. As I said, there are two important conferences in Pierre’s life, at any rate, two conferences that he quoted, that he quoted to me extensively, and to which he returned at great length. A conference on the Castiglione, and a conference on the Waiting Dream. Waiting Dream was an exhibition they organized at the Metropolitan Museum in 1993. It was an absolutely mind-blowing event, because there had never been anything like it done within the walls of the Metropolitan. In his lecture for Waiting Dream, which chronologically precedes the one on the Castiglione, Pierre mentions the Castiglione, but at the time, he hadn’t yet worked on the subject. However, knowing him, he must already have swallowed Montesquieu’s book on the Countess, of which Gérard Lévy had given him a copy. He had also already bought a whole series of photos from the Roses series, in which the Countess is aging, a shadow of her former self. He had initially rejected the Countess, despite the insistence of François Brunsweig and Hugues Autexier, two dealers with whom he worked a great deal, and who were known by their catchphrase « Les TexBraun ». François Brunsweig and Hugues Autexier had tried for a long time to convince Pierre, and he still refused to be interested in the Countess, until he came across this series of Roses. Here, in any case, is what Pierre said in the lecture he gave in New York on the Countess. « Very early on, François Brunsweig and Hugues Autexier became interested in the Castiglione, and around 1980, they showed me an image that I think was of the Queen of Queens. I wasn’t interested in 19th-century Baroque photography at the time. I was looking for 19th-century images with a very contemporary minimalist aesthetic, and couldn’t get attached to the artificiality of the Castiglione’s creations. In 1985, together with the Musée d’Orsay, I bought three booklets of photographs from the Countess’s last years, 1893-1895. What had been baroque became grotesque, a grotesque where it was difficult to separate nostalgia from caricature, grappling with a heavy psychological content. This began to interest me. In 1992, in preparation for the Gilman Collection’s Waiting Dream exhibition at the Metropolitan Museum, I bought « le regard+ ».
It was with this photo that I learned that the negatives were kept in Colmar, France, and of course I delved into the collection of these photographs kept at the Metropolitan, from the Robert de Montesquieu collection, and read his tribute to the divine Countess. By the end of ’94, I was already thinking about an exhibition. As I said earlier, the exhibition will take place in 2000. So, for the « Weeking Dream », he wanted to include a photo of the Castiglione, but a different image from that of the Countess’s earlier years. It’s called « Le Regard », and it’s one of the first photos she had Pierre, her photographer, take under her direction. Two important images, at two different moments in her life, speak volumes about the Countess’s approach. Béatrice sums up her approach, » says Pierre. The photograph was taken in 1856-1857, but the title comes from a play performed in Paris in 1861. « Beatrix sacrifices her love for a prince forced to marry a princess for the reason of state ». The Countess wrote of Beatrix: « When sorrow is so beautiful to behold, who could wish for happiness? » And then, another well-known one, « schizodifolia », astonishes our example, he tells us. The title comes from Verdi’s opera « Un ballo in maschera », a masked ball, when the king addresses the witch who predicted his death. « Is this a joke or madness? » goes the question, and the title mixes the two. It’s worth noting that when the opera was first performed in Naples, in the masked ball scene, the female figures were played by ladies of the world, soon replaced by courtesans and prostitutes. When the Countess was invited back to Napoleon III’s court in 1863, after five years of exclusion, to the famous ball where she wore the costume of Queen Destreriès, she replied that « if other invitations were to follow, I don’t want to appear as a ball extra and a masquero ». This title was to become a constant reference for the Countess. She was very sensitive to any social affair. Indeed, her position was precarious, separated from her husband. She maintained herself in society thanks to the support of her embassy, thus avoiding being mistaken for a courtesan, even though she seemed to live well beyond her means. It’s therefore quite astonishing that she should have ventured to portray a courtesan in her photographs. This image shouldn’t be taken literally, » concludes Pierre. She’s an aristocrat playing the little virtue. A few years earlier, Pierre presented another lecture at the time of the « Waking Dream » exhibition. This lecture took place on June 13, 1993, and he set a time frame for it, a time frame that uses literary and French references. On the one hand, he uses « Madame Bovary », published in 1857, and the first volume of « La Recherche du temps perdu », published in 1913. Here’s how he justifies his choice: « The great project of his novels was, in the words of Milan Kundera, the exploration of the inner dimensions of letters. In this period of introspection and self-cultivation, we can imagine a rich harvest of autobiographical clues in the work of photographers. These clues, we hope, will help us reach the inner dimension. In so doing, we may be able to better grasp why certain images have such a hold on our imaginations ». In this talk, Pierre explores the destinies of six photographers, both men and women. He mischievously announces that he has reversed the proportion between men and women, as he deals with 4 female photographers and two male photographers. 5 of these photographers are represented in the Gilman collection, one is not. This is Sophia Tolstoy, the writer’s wife. He also includes another Russian photographer, a representative of the imperial family, one of the Tsar’s sisters, Grand Duchess Xenia. That’s quite a shocking reason. So we’re in ’93, the « Waking Dream » exhibition has just opened, and it’s an absolutely immense success, an event that the museum is hailing as such, since the photographs are presented in the museum’s exhibition of masterpieces, which I believe had only been done once before. It is therefore an absolutely exceptional moment, and everyone who has seen the exhibition, or even attended its opening, remembers an unforgettable presentation and party. You can imagine that for the co-curators, who were Pierre Apraxine and Maria Maurice Hamburg, the director of the photography department, these must have been absolutely magical moments. Beyond the exhibition itself, Pierre had to work on touring the show, since it would then go on to Edinburgh and Washington. At the time, however, he was dealing with serious health problems that were preoccupying and exhausting him, and he had also just lost his mother and one of his closest friends. And so, he was confronted with death in a very vivid way. And then, a few weeks later, he has to make his first big trip back to Russia. No doubt his mind is also preoccupied by the prospect of this trip. All this to say that the lecture he gives represents a personal challenge for him. Nothing is ever academic with Pierre Apraxine. Everything has to be, to some extent, a human experience. There is no inabstract value scale for art. And if his way of looking at photography and illuminating it, and that of the expert, the choice of what he looks at, is a matter of intimacy. In this lecture, he first talks about the Castiglione, then Sophia Tolstoy, then the Grand Duchess Xenia, then the Countess Greffeuille. This order interests me. It has the form of a Baudelairian pantoum, where the rhymes are not crossed, as in the original pantoum, but where two rhymes embrace two others. To enlighten you, let me quote a stanza from « L’Harmonie du soir », a pantoum by Baudelaire: « Here come the times when, vibrating on its stem, each flower evaporates like a censer; sounds and perfumes turn in the evening air, melancholy waltz and languorous vertigo ». So, stem, vertigo, and in the middle, censer, evening. He frames the two Russian nobles with two French nobles, who are not photographers themselves, but who do photographic work. What are the reasons for evoking the Castiglione and the Countess Greffeuille? When, a few years later, Erwin, who was a friend of Pierre’s, saw the exhibition on the subject, he said: « But the Castiglione is Pierre! I wouldn’t put it any other way than that ». And I refer you to the book we’re publishing next year. But why the Countess Greffeuille? Here’s what Pierre says. Madame Greffeuille was considered the supreme beauty of her time and the queen of Parisian high society. Marcel Proust, who met her in 1892, was entranced by her beauty, the elegance of her personality and her aura of absolute glamour. She became the model for the Duchesse de Guermantes in « La Recherche du temps perdu », and Proust asked her to photograph him, which she categorically refused, considering photographs to be private and intimate, not to be given to strangers. One wonders why Madame Greffeuille commissioned such a puzzling portrait, in which she and her double seem engaged in a game of two dreamers. The portrait was taken by Otto, the fashionable photographer of beautiful women and children, who had a studio on the Place de la Madeleine in Paris. His role here, however, is similar to that played by the faithful Monsieur Pierson with the Countess of Castiglione. The good Monsieur Otto would never have dared concoct such a composition on his own. Like the Countess before her, Madame Greffeuille is the author of her portrait. So let’s forget Otto, if not simply that he lent his expertise to the combination of the two negatives. What is the youthfulness of such an image? The theme of the double, between 19th-century literature, from Edgar Allan Poe with « William Wilson », to Robert Louis Stevenson with « Doctor Jekyll and Mister Hyde », and Oscar Wilde with « The Portrait of Dorian Gray ». Confrontation with a doppelganger always leads to drama. In photography, this usually takes a whimsical turn, but Madame Greffeuille’s portrait is very serious. First, Madame Greffeuille’s eyes, to which Proust attributed the true mystery of her beauty, are here unexpectedly closed or averted. Then we have the dress she’s wearing, the totally impractical white one, being in fact a drape, which Otto has transformed into a marvelous Art Nouveau object, but also into a kind of ghost. We also see the contrast between the white skirt and bodice and the darker taffeta ball gown. And what of the pose itself, where the darker silhouette seems to emerge from the lighter one? We know from a recent biography that Madame Greffeuille was interested in spiritualism. She shared this interest with some of the most eminent personalities of her time, such as the mathematician Poincaré and the astronomer Flammarion. It is thus assumed that the darker Madame Greffeuille is indeed an emanation of the lighter one. Could it be that this portrait attempts to give shape to a part of the person whose expression generally remains hidden behind the facade of a highly disciplined social life? We know from some of her notes that she had worked very hard to create the character everyone admired as Salambo. She never showed herself to the crowd except from the top of her staircase, or surrounded by royalty if there was any in her private life. Madame Greffeuille, however, was not so lucky. She had the reputation of being the most deceived woman in Paris. Madame Greffeuille’s darker double may naively allude to that lesser-known part of herself that she jealously guarded under lock and key, as she did with this portrait that never left her private apartments. And of course, there’s a narcissistic element to this portrait. This is not unexpected from such an admired woman, who must have spent many hours in front of her mirror, which she called « He who does not know how to love ». Forever, I believe she conceived this photograph, which she presented with idealized features over which time has no hold, as a mirror that would have the dimension of a mirror. A mirror that would reflect what she felt to be her true desire, and that would not betray her, but would remain a faithful friend forever.
Except that, unlike the Countess de Castiglione, Countess Greffeuille didn’t traumatize a photographer for 40 years. La Castiglione, on the other hand, always used the services of the same photographer to take photographs of her, the faithful Pierson, as Pierre used to say. And so, the Countess Greffeuille’s business with photographer Otto remains exceptional. Her presence in Pierre’s presentation offers not only a counterpart to that of the Castiglione, but also to the subject of the exhibition that will follow that of the Countess, the exhibition that Pierre will devote to spiritual photography. The two other female photographers Pierre Apraxine evokes are two Russian noblemen and two witnesses to a world to which Pierre says he belonged without ever having known it, pre-October Revolution Russia. First, an exceptional woman, Countess Sophia Tolstoy, wife of writer and photographer Sofia Andrieu. She married Leo Tolstoy in 1862, when she was barely 18, and he, already 34, was a famous writer. For almost 50 years, Sophia Andriefna was her husband’s secretary, copying his manuscripts, correcting proofs, dealing with the publisher, and she gave birth to 12 children while managing their country estate. In 1887, she bought a heavy Kodak camera on a tripod, and for these photos she used a glass negative that she had to develop. She didn’t really begin to devote herself to photography until 1895, to distract herself from the death of her youngest son, and she stopped photographing when her husband died in 1910. She herself died in 1919, during the Revolution. She left over 800 negatives, which are preserved in the Tolstoy Museum in Moscow, and in 1911 she published a selection of 120 of them in a phototype album sold for charity. Pierre points out just how good a photographer Sophia Andriefna really was. Tolstoy hated posing for painters and sculptors, so Sophia made studies for them. Here, in this beautiful photo from 1909, she caught Tolstoy in a moment of intense, strong mental expression. The lens is focused on his bald head, the space around the figure collapses into a single flattened plane, and the table and paper become a pedestal supporting the writer’s bust. The photographer shows us Tolstoy as she wanted us to see him: a giant in history, forgotten by his environment, living in the compressed energy of his mind. Sophia Andriefna’s great period of photographic production coincides with the most difficult period of her marriage, and her sense of impending tragedy runs through her chronicle. Did she use photography as entertainment, or was she finally responding to the need to give life its own expression? Did she know that her most beautiful images contained a brutal indiscretion? Whatever the answer, her work, so intimately linked to her husband’s life, is no less worthy of interest. In one of her diaries, she says that her husband is against « the immense emancipation of women, against so-called equal rights », and that no matter what the woman was doing, whether teaching medicine or art, she had only one real purpose in life, and that was sexual love. So that whatever she might strive to accomplish, those efforts would simply fall apart together. Sophia Andriefna’s work is her best denial. If the Castiglione produced over 800 photographs in 40 years, Sophia made the same number in 15, and the Grand Duchess Xenia over 1,120 in less than a year. Photography was an obsession of the Russian imperial family. Members of the family carried their Kodak cameras with them everywhere they went and took lots of photos. The album from the Gilman collection was made by Grand Duchess Xenia, as I mentioned earlier. And she was one of the Tsar’s sisters. This album dates from 1904-1905, the year of the Russo-Japanese war and the first real cracks in Russian society. The album doesn’t reflect this at all, although it does occasionally show the tsar blessing the troops as they leave for the front. But we can see that it’s more often scenes of fun and intimacy that are described. Let’s listen to Pierre. It’s against this tumultuous backdrop that the Grand Duchess’s album should be appreciated. Whether diary or amateur film, it doesn’t affect the tone. It shows a love of simple pleasure that contrasts with the grandeur of palaces and parks. But the privileged surroundings are in fact golden hideaways of fortresses, like Gatchina, where the family spends so much time, because only there do they feel safe. Outside, the grand dukes and their families were targets. They knew it and never forgot it. Perhaps this explains the pleasure they took in observing each other and the maniacal accumulation of images of small pleasures and domestic bliss. Pierre and Gilman were homosexuals. They didn’t make a banner of their homosexuality, but they didn’t hide it either. And like everything else at the heart of Pierre’s collecting, it played a part in his artistic choices. From a wealthy Massachusetts family, Frederick Holland Day founded the publishing house Copeland & Day and published the American edition of Wilde’s « Salome », of which he became a friend. It was Holland Day’s interest in literature that led him to photography. As a photographer, he made a name for himself with the « Nubian » series of 1896 and 1897, in which he photographed his black chauffeur, Alfred Daniel, as an African chief. Pierre tells us even more, how erotic the nude image appears here, simply as a reference to classicism. Holland Day was one of the first photographers to conceive of the nude not through the prism of the picturesque, but through that of the classical ideal. The overall effect sought by the photographer is one of Hellenistic, pagan serenity. His approach is also a far cry from the pseudo-anthropological studies of the humanists of other photographers, such as Charnay, whose images were intended to be classified as natural history. Holland Day has been part of art history since the time of the Romantic movement. Europe, and the Western world in general, had felt the need to escape the norms of an increasingly stifling bourgeois society and seek out the exotic. There’s a long literary and visual tradition of this. In a letter to George Sanders, he wrote: « Unlike you, I never experience a sense of life just beginning. My present self is a consequence of all my vanished months. I was a boatman on the Nile, a pimp in Rome at the time of the Punic Wars, then a Greek rhetorician in Suburra, where I was devoured by bedbugs. I died during the Crusades for eating too many grapes on a Syrian beach. I was a pirate and a monk, some banks are notched, and maybe emperor of the East, who knows? » Pierre Apraxine’s passion for travel, and in particular for Egypt, runs throughout his life and research. His eye was drawn for a long time to the work of an American photographer who died at the age of 24, Jay B. Green, whose vision of Egyptian landscapes intersected with Pierre’s taste for minimalist and conceptual art, without the two being associated as one might be tempted to do. And it’s this sobriety, this near-disappearance of the subject, between abstraction and evanescence, that delights us. But it’s probably our 21st-century eye that reacts too, not that of someone from the Second Empire who would have found this photograph so empty as to be without subject, while the inaccessibility of this very subject delights us, because we’ve read Buzzati’s « Desert of the Tartars » and loved Marguerite Duras’s extreme economy. The landscapes of the Nile as seen in early photography were the subject of a very fine exhibition conceived by Malcolm Daniel, then organized by Pierre and Jeff Rosenheim, inaugurated at the Metropolitan Museum on September 10, 2001, and which I believe Serge attended. We remember what it was like on September 10 and the day before. His real transition in his lecture, but we’re introducing one of the images he’s commented on most in our conversations. Pierre evokes Stanislas Ignac’s self-portrait. I’m quoting from an extensive analysis that tells us so much about his vision of art and life. Created around 1912, when Witkiewicz was 27 or 28 years old, this portrait is unlike anything seen before in photography. Indeed, the search for psychological truth culminates in a painful challenge. Cropped to emphasize and focus on the eyes, Witkiewicz’s face is subjected to merciless interrogation. His gaze is all interior, piercing the protective shells erected by the ego to reach its very foundation. He confronts head-on the mystery of consciousness and its corollary, existential anguish. It is not enough, » writes Witkiewicz, « to exist simply, passively, negatively. Existence must be manifested more clearly against a backdrop of possible death and surrounding nothingness ». This was the program of Witkiewicz’s life in art, pursued with tireless vigor through his many activities: painting, photography, theater and philosophy. His work grapples with the underlying theme of all twentieth-century thought: the essential absurdity of existence. This first portrait closes the door on previous attempts at self-definition. It is an image of the condition of contemporary man.
In the 19th century, photography was an instrument of emancipation, probably not in historical or sociological terms, but nonetheless a mark of freedom. Pierre had observed this freedom in his mother, who had been forced to work after the war. She still believed her husband was alive, but he hadn’t returned from the war. In reality, he was dead, and she was deprived of resources by her family, who disapproved of the way she brought up her sons. This woman, who in her youth had become a concert pianist, became an accountant. Pierre was also the grandson of the wife of a governor of the Russian Empire, assassinated at the start of the Revolution. This grandfather had worked hard to rebuild the Estonian estate where Pierre spent the first five years of his life, and to which he kept returning, notably with you, Serge. Pierre dreamed of the wide-open spaces he had left behind as a child. Life reminded him that some dreams are sterile fantasies, and that there’s much more to what you’ve accomplished in the meantime. There is an indelible work, carried at arm’s length for almost 30 years, during Howard Gilman’s life and beyond, to ensure that the Gilman collection, created by Pierre, retains its integrity when it enters New York’s Metropolitan Museum. His vision of life was in keeping with his way of collecting: curious, generous, honest, benevolent. Pierre was, like all of us, full of faults, but more than many of us, an essentially good man. Strangely enough, I believe this contributed to his ability to assemble the finest collection of early photography in the world. This incomparable body of work makes him a wonderful artist. Let’s let him conclude. Let’s return now to what we’ve learned in our tour of these images. It’s not very edifying. We heard the heart-rending soliloquy of the Countess of Castiglione, lost in a gallery of ice. Sophie Tolstoy’s life without her husband is like an empty box, and Grand Duchess Xenia is the silent partner of history itself, biding her time. The Countess Greffeuille, Frédéric Hollandais, reveals the ambiguous nature of their desire in a deliverant confession, and Witkiewicz’s despair with the black density of a collapsed star. The outcome is not a happy one, but could it have been otherwise? Is it not inherent in the nature of life to display its incompleteness, and in the nature of art to seek meaning and unity straddling life and there? How could photography fail to reveal this creator’s essential dilemma? I hate to leave you with this question, » he adds. One of the most popular photographs in the exhibition is entitled « Who are they? ». It shows a group returning from a fox hunt in the Roman countryside, photographed by Count Primoli in 1899. Where does the bitterly poetic density of this image lie? Is it not in the tension between the vertical silhouettes of the moving figures and the horizon, into which, drawn as if by a magnet, they are doomed to disappear? The characters continue their journey, each at his or her own pace. Indeed, we’ll never know who they really were, but we do know that they will disappear, leaving us to ponder the graceful memory of their passing. We know a little more about the lives of the photographers we examined. Like those hunters, they have now passed beyond the horizon, leaving us to continue our own journey, enriched by experience and perhaps, who knows, unbeknownst to us at this very moment, a photographer captures in an image the singular poetry of our journey. And Pierre says again, as I do, thank you. Thank you very much. Well, I think if there are any questions… I just want to add one thing right away, also a little from a member of Pierre’s family who had tried to come, but couldn’t make it, to give a detail. It is said that he was born in Estonia, because in fact the place where he was born was on the map of Estonia in 1934, but he was born in something, a place, a geopolitical political space rather difficult to describe. You know a little about the history of Russia, the Bolshevik Revolution, the wars that followed, which were very long. But the peace, the first peace signed by the Bolshevik regime, was with the Baltic States, for the North-West border, and when the Baltic States were created, there was a valley that found itself on the other side, and it found itself on the other side for only about twenty years, around a monastery called the Pechory monastery, and there lived 15,000 Russians, mostly peasants, but also some monks in the monastery. It just so happened that one of the huge estates belonging to Pierre’s grandmother was in this region, and the first president of the Estonian Republic, who had a sort of debt of honor because Pierre’s grandfather, who had been a military governor, was killed by a sniper during the February Revolution, pardoned Baltic and Estonian political prisoners. And so the man who became the first Prime Minister of this now-independent country owed his life to the fact that he had been pardoned, and he offered to take over part of the land from his grandmother. I’d like to take this opportunity to tell you about taking back some of the land, because the Estonians, the Estonian government of this country that was regaining its independence for the first time, applied collectivization, even if only half-collectivization, even if she owned, say, 50,000 hectares, she had the right to take back 50, 50 for each person who came to live there. But in any case, the grandmother decided to go back, because it was the only part of Russia that had survived with its ancient traditions, with its peasantry, with its Orthodox rites, with its pops, the only part where 15,000 Russians remained. And Pierre’s grandmother was the most important figure in this region, and she even organized visits from ethnographers from all over the world, who came to see, because they realized how fragile this survival was. The aftermath of all that had happened, particularly in the terrifying years of Stalin’s Red Terror. So she organized summer seminars and a popular health festival. And so, for the first five years, Pierre lived – let’s speak Russian, old Russian – in an anomaly of history. That’s all I wanted to say. I can tell that too, I’ll tell that too. On September 10, 2001, the Metropolitan Museum decided to organize, for the first time, an exhibition on the discovery of Tutankhamen’s tomb. It was a major exhibition by the Department of Egyptian Antiquities. For this occasion, the photography department, with Pierre, had worked on a small photography exhibition, in comparison with the number of rooms involved. And with Inès, we were invited. I had found a ticket with Icelandair. We arrived in New York. Inès had sprained her ankle, and Pierre had arranged for her to be walked around. We had a very comfortable little armchair. And we arrived. The party was grandiose, American grandiose, New York grandiose, in other words, there was the temple of Endou. You know, the temple that Egypt donated to the United States, the complete temple that was dismantled block by block and reassembled in a wing of the Metropolitan Museum. There were petit fours everywhere, alcohol afloat, drums, huge candelabras holding fires, not… it’s not candles, it was real… it’s called photophore, I don’t know. But big ones. And best of all, you had these huge bay windows over Central Park, like you have here over the Adriatic, with black clouds outside and a sky torn with lightning, like it was the absolute wrath of Tutankhamen. The whole world was very, very frightened by this sudden storm. And so the next day, when we woke up, the televisions were off. We could see smoke, we could see things. I remember climbing onto the roof of the hotel. We managed to reach Pierre, who invited us to join him right away, saying, « Be careful, the phones are working worse and worse ». We took a cab. I remember, we even saw, there were all these people running, covered in plaster, coming the other way. Since Pierre lives on West Twelfth Street, we’re actually getting closer to lower Manhattan. And we were welcomed into his home. We lived there for a few days, Inès being a young mother with small children. Fortunately, we only managed to contact the grandparents once, so that they could look after our daughters in Paris, France. And Pierre and I had decided to do away with newspapers and turn off the radio. He didn’t have television, so he wouldn’t have to worry and could read poetry books and all that. And we’d both go out into the street, trying to glean information. And I’ll always remember one night, we’re on Houston Street, which was the street closest to the twin towers. The neighborhood had been off-limits, barricaded. There was a crowd in a bar, and the TV in the bar was showing CNN. There was a report, and all of a sudden, a portrait of Bin Laden appeared. And Pierre was saying: « But I don’t know how they did it, but it’s incredible compared to all these mediocre, confused images, this din, this noise, if he suddenly had this portrait, how beautiful it is ». So, I’m careful about what I say, but the analysis, the strength of the images, Pierre’s way of looking, coming from a family, from a country that has known a lot of violence and in moments of things, and his way of always looking, looking for an elegance, something to say, a comment, even in the most incredible moments. I’ve just come back from New York. The last time I saw Pierre was in January of this year. I went to see him quite often. And Joe, his secretary, had told me that if I’d been in New York, there were two or three things to pick up, from three books. And there was a little photo that I brought to show you, because we’ve been talking about it all day. So that’s my legacy. It’s a little portrait of a young Leo Tolstoy. You’ve just seen Londal, in 1849. There are no photographs on paper in Russia. It’s actually a reproduction of a daguerreotype, which has now disappeared, and it was a golden photograph that I’d discovered on one of my trips, because I often went to Russia, and Pierre loved it when I told him about Russian adventures. So I gave it to him, and he returned it to me. I invite you to watch it later. I don’t know if you want to know anything, if anyone wants to ask a question, because here you have the biographer, the author and editor of the memoirs. So this is a rare opportunity.
Just to pick up on what you were saying about the grandfather who was murdered, Pierre had multiple versions of this story because he wasn’t sure of what he’d been told or of the truth. He was always, and that’s what was so beautiful about his look, he knew that there was the legend and the real story, and that was also always in his look, in the photograph. Well, it seems to me that when he looked at an image, he looked at what there was to see and beyond, and in particular in this murder, he was told all his life that he had, that his grandfather was making a speech or going to make a speech, well, there you go, and that there was a sniper on top of it. The truth is, he was dragged off, well, they went straight away to get him in his palace, which his grandfather had evacuated so that no one else would be killed. And he was immediately taken out into the street and dragged away, his head cut off, in short, it was an incredible butchery. For those who are a little interested, I see who is a little interested in the history of the first revolution, that of February, which took place in March 17, the grandfather, General Von Bounting, governor of the Dvers region. The Dvers region, if you took the « Krasnai Streilla » night train between Moscow and St. Petersburg, is halfway there. And this place is strategic, because at the start of the Revolution, one of the two Russian capitals is on the revolutionary side, the other not yet, and so the governor in the middle could perhaps have tipped the outcome of the still uncertain conflict. So he’s in his palace, representing the imperial power, which has been attacked, that’s the version, and according to Pierre’s version, it’s a sniper. He wasn’t sure afterwards. While the preparations for the photography workshop are being made through a crystal ball, I’m also going to recount one of Pierre’s most complex missions to Russia, which took place in the same year, 2001. He credited me with a lot of intrepidity, and so he said to me, I don’t know who could solve this, but we can try. He said, « Here, here’s the subject. There’s this monastery not far from where I was born, this monastery in Petchora. It’s a monastery that became occupied by monks again after perestroika, and is now a very important place of pilgrimage. And we have to try to get there. You have to try and negotiate with the monks to get the key to the catacombs. In the catacombs, there’s a moment, a tunnel that’s locked again by another key. You have to try to get that one, which is even more difficult, and you have to go and check the sepulchral inscriptions on the tombs in a certain cave. » And he says: « I don’t know how, but I think that in order to reach the monastery, which isn’t really signposted and where foreigners aren’t welcome, we’ll first have to try to meet the Bishop of Pskov. » And for the bishop, he gives me this letter. So we had to find, we had to get to Russia, we had to find a town called Pskov. We had to find the bishop. I went with my assistants, Jean Mathieu. It was June 20 or June 21, 2001. And how do you go about finding a bishop in a city you don’t know, in a country you don’t know much about, you don’t speak the language? Well, my system was to use the network of antiquarian booksellers. The Russian word for « antiquarian bookseller » is « bouquiniste », an easy word that comes from the time of the Russian occupation of Paris in 1814. It’s one of the words they brought back. So, I found, I ended up finding a pretty good book at the bouquiniste, and then I tried to explain, I don’t know how, how I go about meeting the bishop. And he tells me with gestures, with a few words, that he has a neighbor who’s a priest, and we’re going to try to find him. So we set off, walking through the neighborhoods, and as we approached, we saw the priest coming out, and the priest handed him the letter, becoming very, very concerned as he realized that I spoke absolutely no Russian, and asked me to follow him. And it just so happened that in Pskov, we were having a ceremony to mark the 60th anniversary of Operation Barbarossa. And so on the hill, there was the bishop, there was all the local Orthodox clergy, there were the Red Army choirs, there were the orchestras, there were thousands of veterans, there was a gigantic German delegation. And we were in shorts and tennis shoes, not ready for this adventure. But I was brought along anyway, given the importance of the letter written by Pierre and his brother Nicolas Apraxine. This letter was taken so seriously that they took me all the way to the bishop, who said, « Sit there, in the front row. » And all these generals, former prisoners, looked at me a little chagrined, why they asked me, but who are you? And I said, I don’t know what to answer, it would take too long to explain. I simply said that we represented Verz, and that was that, so they left us to it. We ended up arriving at the monastery with a signed letter and the signet ring, the bishop’s ring, just like in the movies. The ring, the signet ring. When I spotted the goumène, the monastery’s superior, a little way off, talking in the middle of a rose garden with some young seminarians, I took off running, being chased by several rather gruff monks. I also had to jump a hurdle. When I reached the human island, out of breath, I held out my letter. He read it, he looked at it, he stared at me, and immediately, his features transformed into another nature, a bit like the white clover in front of the black one. And he became a perfect police officer as he said to me, « Your papers. » I held out my passport, and he verified that this was the name that was on it. And we were invited to sleep at the monastery. Eventually, we found the key. We, voilà, it’s a very long story, ended up accessing the 17th-century caverns and discovering that there really was a problem with the description. It’s more serious, the tomb creates family. The subject was negotiated with a mafia boss who was seeking to win paradise for his soul, and who had been lodged there. So this error was corrected and when we returned a little later, we asked what had happened and were simply told that the inguem, the head of the monastery, was now looking after another monastery, high up, in the very north of Siberia. So, without further ado, let’s take a look. We have Patricia Loconte and Enea Discepoli who have prepared a workshop on crystal ball photography, because like many ancient Russians, Pierre liked to question the Augurs, the aruspices and the sibyls, the witches, before taking a trip, to find out for which day he should take his transatlantic plane ticket, in an old tradition.
III BIENNALE DI SENIGALLIA RITORNO AL SENSIBILE 18-19-20 MAGGIO 2023
Palazzo del Duca, Palazzetto Baviera, Rotonda a Mare, San Rocco
Mercoledì 17 maggio
Atelier 41, ore 18.00
Accoglienza degli espositori, degli artisti, dei relatori e dei primi curiosi, presso ATELIER41, discorso di benvenuto di Enzo Carli, presentazione della mostra di Giorgio Cutini, rinfresco.
Giovedì 18 maggio —————————————————
San Rocco,dalle 9 alle 10
La bellezza materiale degli archivi
Con Daniel Girardin
Discutete i vantaggi e la relativa superiorità dell’uno o dell’altro: un vecchio archivio fotografico autentico con annotazioni e lo stesso digitalizzato in modo intelligente con commenti. Un vecchio archivio fotografico può catturare la spontaneità di un momento, mentre una digitalizzazione intelligente potrebbe non offrire la stessa esperienza coinvolgente. …
Palazzetto Baviera, dalle 10:15 alle 11
Salvare gli archivi fotografici
Con Anton Ivanov e Serge Plantureux
Le guerre non portano solo distruzione nel mondo fisico. A volte cambiano anche la direzione della storia. L’archivio fotografico testimonia in modo discreto e ostinato il variare delle interpretazioni della verità che si sono susseguite.
Ivanov, storico della fotografia lavora oggi fra Inghilterra, Germania ed Italia. Direttore della Galleria Art of Foto, dirige diversi programmi di ricerca per la conservazione dei processi di stampa analogica e la persistenza dell’arte della stampa su argento. … (nota bene: Anton Ivanov non e il personaggio conosciuto anche come Il Superiore (The Superior), che vive recluso dal mondo per distruggere lo S.H.I.E.L.D.)
San Rocco, dalle 11:15 alle 12
Baudelaire e la fotografia
Con Jean Paul Advice
« Chi guarda da una finestra aperta non vede mai tanto quanto chi guarda da una finestra chiusa. Non c’è oggetto più profondo, più misterioso, più fertile, più oscuro, più abbagliante di una finestra illuminata da una candela. Ciò che si vede alla luce del sole è sempre meno interessante di ciò che accade dietro un vetro. In questo buco nero o luminoso vive la vita, sogna la vita, soffre la vita… ». Charles Baudelaire, « Les Fenêtres », 1863
Palazzetto Baviera, dalle 15:00
Workshop Collodio umido e cianotipia
Con Massimo Marchini e Alberto Polonara
Palazzetto Baviera, dalle 15:00 alle 15:45
Dialogo con Sue Park
Con Sue Park
Nata in Corea del Sud ma attiva negli Stati Uniti, Sue Park è una fotografa del silenzio immersa nel mondo naturale e animale. I suoi scatti, realizzati nei vari paesi e continenti del mondo, sono in grado di raccontare un mondo incontaminato dall’uomo, dove la natura diventa sempre protagonista indiscussa. Le foto di Sue Park sono attualmente esposte a Palazzo del Duca, nella mostra “Sounds of silence.”
Palazzetto Baviera, dalle 15.45 alle 17.00
FOTO PERDUTE, FOTO RITROVATE, TESORI DI PICCOLI E GRANDI COLLEZIONISTI
Con i collezionisti: Zaven Parè, Alexandre Steger, Andrea Daher e Estelle Hassenforrder, chi hanno allestito le mostre del primo piano al Palazzetto Baviera
Collezionisti parlano al pubblico. In particolare, raccontano dell’immenso piacere di cercare negli archivi alla deriva o abbandonati idee, elementi di un puzzle da ricomporre, secondo la propria ispirazione e i propri gusti artistici o estetici. …
Palazzetto Baviera, dalle 17.15 alle 18
Dialogo con Sandy Skoglund
Con Sandy Skoglund
Attiva da oltre quarant’anni nel mondo dell’arte, Sandy Skoglund si muove realizzando installazioni ambientali dal sapore fiabesco, quotidiano e perturbante. La fotografa e installation artist statunitense offrirà ai presenti un prezioso preludio di quella che sarà la sua prossima mostra fotografica a Senigallia, nelle sale di Palazzo del Duca.
Centro Città di Senigallia dalle 18.00 alle 20.30
Inaugurazione del percorso fotografico, Premio La Muta, Partenza da Piazza del Duca
Assunta a 20 anni dall’amministrazione per l’inaugurazione dell’ambasciata francese a Pechino, dopo il riconoscimento della Cina popolare da parte del generale De Gaulle, Solange Brand ebbe l’occasione di vivere in diretta i cambiamenti e i moti suscitati dalla Rivoluzione Culturale Cinese degli nella metà degli anni Sessanta. Il suo racconto fotografico a colori ci offre una prospettiva inedita e sul campo di un momento storico che avrebbe cambiato per sempre le sorti del mondo.
Palazzetto Baviera, dalle 10:15 alle 11
La Direzione Regionale Musei Marche, l’ICCD e la fotografia
Con Luigi Gallo, Carlo Birrozzi, Alessandra Pacheco e Cristiana Colli
Palazzetto Baviera, dalle 11:15 alle 12
Esiste una foto grezza, nel senso del Art Brut ?
Con Nicolas De Vigne, Salomé Alary, Margot Dubois, Clément Thomas, Lucas Vanelstraete, Université Polytechnique Hauts-de-France, Valenciennes
La fotografia è una tecnica che cattura e rende visibile, un mezzo di espressione che crea l’illusione di una « presenza ». Come il visibile porta al leggibile, non si può fare a meno di decifrare la fotografia. Una fotografia ha quindi sempre un’identità, è legata a uno stile, è intrappolata dall’estetica, come potrebbe essere grezza?
Foro Annonario, ex-Pescheria dalle 12:00 alle 18:00
Fiera, mostra mercato libri, fotografie antiche
Rotonda a Mare, dalle 15:30 alle 17:45
L’eredità della fotografia: Doisneau, Giacomelli, Morath, Schapiro
Con Francine Deroudille Doisneau, Theophilus Donoghue, Kurt Kaindl, Katiuscia Biondi Giacomelli, Simone Giacomelli, Vittoria Mainoldi e Maurizio Guidoni
I direttori delle fondazioni fotografiche Mario Giacomelli, Steve Shapiro, Robert Doisneau e Inge Morath dialogano sull’importanza del patrimonio fotografico a stampo famigliare, in un discorso che rintraccia l’eredità come tesoro da preservare e comunicare al futuro.
Rotonda a Mare, dalle 18:15 alle 19.15
Omaggio a Pierre Apraxine
Con Jean Poderos, biografo di Pierre Apraxine
Unitevi a noi per una conferenza e una tavola rotonda in omaggio al nostro amico e mentore Pierre Apraxine, un rinomato collezionista di fotografie d’epoca che credeva nel potere di trasformazione della « fotografia come arte ». Ha sviluppato un’arte di collezionare le opere e di esporle con eleganza e rigore, con una messa a fuoco acuta e una moderazione per raggiungere la purezza. Oggi, l’esemplare collezione che egli ha riunito per Howard Gilman è entrata a far parte del Metropolitan Museum di New York.
Rotonda a Mare, dalle 19:15 alle 20.00
Fotografia nella sfera di cristallo, workshop omaggio a Pierre Apraxine con Patrizia Lo Conte ed Enea Discepoli
Cinema Gabbiano, dalle 21 alle 23
Infinito: L’universo di Luigi Ghirri
Con Matteo Parisini (regista del film)
Luigi Ghirri non è stato solo un fotografo di fama internazionale, ma anche un assiduo scrittore. Il film, diretto dal regista bolognese Matteo Parisini ripercorre le tappe fondamentali della vita e dell’arte del noto fotografo italiano, alternando i luoghi della vita di Ghirri ai testi dei suoi scritti, letti per il grande schermo dall’attore Stefano Accorsi.
Sabato 20 maggio —————————————-
San Rocco, dalle 9 alle 10
La fotografia di Gemmy Tarini
Con Enzo Carli
Nato nel 1894, Gemmy Tarini è ricordato come un fotografo dal grande rigore critico, promotore di quella che è diventata col tempo la nuova fotografia italiana. Amico e collega di Giuseppe Cavalli, viene inserito con lo scatto “La passeggiata” nel prestigioso testo Fotografia, evolvendo poi il suo stile con tagli e chiaroscuri unici. L’incontro lo ricorda e indaga la sua arte, spesso dimenticata, anche nel territorio.
San Rocco, dalle 10:15 alle 11
l fotografo senza fotografie
Con Leonardo Badioli (e Serge Plantureux)
Spesso la storia della fotografia è ancora incompleta. Lo storico si allontana dalla ricerca di vecchie stampe o addirittura di negativi, per rintracciare modesti indizi. Leonardo ha studiato la corrispondenza di un fotografo italiano di cui non si hanno finora prove certe, il marchese Giovanni Eroli di Narni. Con nostra grande gioia, Leonardo ha scoperto che il marchese era in corrispondenza con altre figure altrettanto misteriose della storia della fotografia italiana: forse un elemento di luce verrà da due misteri.
Leonardo Badioli è appassionato di storia. Originario di Senigallia, qualche anno fa ha ritrovato negli archivi locali un set di fotografie di Luigi Naretti, il primo fotoreporter in Eritrea, che saranno esposte alla prima Biennale di Senigallia nel 2019. A lui si devono anche « Il ditto del Diavolo », sul banchetto del 31 dicembre 1502, « Numero 170 anni sul velluto », storia della spiaggia di Senigallia, o il romanzo « La casa del Turco ».
San Rocco, dalle 11:15 alle 12
Il collezionismo POP
Con Maurizio Gudoni e Vittoria Mainoldi
Collezionare non significa necessariamente essere ricchi, anzi. È in realtà possibile collezionare anche con poco, soprattutto quando si parla di cultura pop e di media riproducibili con grande facilità. L’incontro vuole sviscerare i nodi di un collezionismo sempre più popolare e alla portata di tutti, che affonda le proprie radici in una cultura oggi sempre più diffusa e commerciabile.
Rotonda a Mare, dalle 15:00 alle 16:00
Dialogo con Paolo Ventura
Con Paolo Ventura e Mario Trevisan
Nato nel 1968 a Milano, città nella quale è tutt’ora attivo, Paolo Ventura è una voce unica all’interno dei moti artistici odierni. Fotografo e scenografo, realizza operazioni che uniscono la pittura al collage e alla fotografia, dando così vita a immagini inedite. L’artista sarà anche in mostra da giugno presso Palazzo del Duca, dove esporrà elaborati ispirati proprio alla città di Senigallia.
Rotonda a Mare, dalle 16:00 alle 17:00
Collezionisti italiani a dialogo
Con Corrado Molgora, Ettore Molinario, Mario Trevisan e Francesca Bonetti
Come si comincia a collezionare e perché gli esseri umani sentono il bisogno di farlo? L’incontro tenterà di rispondere a questi interrogativi, rintracciando nel bisogno del collezionista uno scopo per il singolo quanto per la collettività, nella missione che intende preservare il passato in virtù di un futuro sempre più incerto.
Rotonda a Mare, dalle 17:00 alle 17:30
La collezione immaginaria
Con Maurizio Galimberti
Rotonda a Mare, 17:40
La fiscalità del collezionista
Con Paolo Ludovici
Rotonda a Mare, 18:20
Maria Spes Bartoli: la prima fotografa marchigiana
Con Simona Guerra
Nata a Senigallia nel 1888, Maria Spes Bartoli vive a stretto contatto con la realtà artistica del tempo, cercando di farsi largo in un mondo del lavoro che era dominato dagli uomini. Ha dimostrato col tempo una forte indipendenza professionale, ottenendo nel 1927 la licenza professionale per la vendita di articoli fotografici.
Rotonda a Mare, dalle 20 alle 22
Premiazione Concorso La Muta, festa e ricevimento
Con Atelier 41
Nella cornice della nota piattaforma sul mare si terrà la premiazione del concorso artistico La Muta, con tanto di musica dal vivo a fare da accompagnamento in quella che si preannuncia come un’occasione di festa e celebrazione.
La BIENNALE DI SENIGALLIA si inserisce nell’ambito del progetto Senigallia Città della Fotografia, promosso dalla Regione Marche e realizzato dal Comune di Senigallia e da Atelier 41 in collaborazione con la Fondazione Cassa di Risparmio di Jesi.
What futures do archives hold in the age of digitalization? What remains of the sensible world?
Cycle of conferences at the San Rocco auditorium
Thursday, May 18, Friday, May 19, and Saturday, May 20. Please note that conferences in English or French will be simultaneously translated into Italian via live broadcast at the Palazzetto Baviera auditorium.
Fair and collectors’ market at the Foro Annonario
Friday, May 19 and Saturday, May 20, 2023.
La Muta Competition: « A very personal story. » Public voting on May 18, 19, and 20 before 2:00 pm. Please consult the competition rules and the map of the city center with the location of thirty shops with display windows and places for presenting projects.
Tribute to Pierre Apraxine, evening conference at the Rotonda al Mare, Friday, May 19, 2023, at 6:00 pm.
Gala evening and announcement of La Muta prize winners at the Rotonda al Mare, Saturday, May 20, 2023, at 8:00 pm.
Conference in honor of Nino Migliori with the awarding of an honorary title from the Comune di Senigallia, at the Rotonda al Mare, Sunday, May 21, in the afternoon.
Film screenings on photography at the Il Gabbiano cinema, Thursday, May 18 and Friday, May 19, in the afternoon.
Exhibition program:
Rocca Roveresca, ground floor:
« Was it only that? » A day in the life of Charles Baudelaire, a reconstruction exhibition of the poet of the Flowers of Evil’s visit to photographer Eugène Carjat in December 1861.
Who is afraid of their own image? Anxious gazes and signs of discomfort in the earliest daguerreotype portraits.
(Exhibition produced as part of the Erasmus program, Margot Dubois, Salomé Alary, Clément Thomas, Lucas Vanelstraete, Master of Art students at the Polytechnic University of Hauts-de-France)
Palazzetto Baviera, ground floor:
Solange Brand, Fragment of a revolution, China, 1966-1967.
Continuation of the exhibition at the Biblioteca Antonelliana, Foro Annonario. The Red Walkers of the Cultural Revolution.
Palazzetto Baviera, noble floor:
Flavio Damm, images of Brazil, 1955-1975 (with the Flavio Damm Foundation, Brazil, exhibition curator Zaven Paré).
« Tondo, Tondi »: Why is the round format so rare in the history of photography? An investigation exhibition in collaboration with the Daniel Blau Gallery, Munich.
« Lost Photos, Found Photos », treasures of small and large collectors, Collection Yoskowitz – New York, Collection Zaven Paré – Rio de Janeiro, Collection Lugosi – Paris, three collectors engage in dialogue with the public.
« Photographs of vibrations, photographs of sand, photographs of sound »: Cymatic images by Hans Jenny and Christiaan Stuten, sand sculptures in Sardinia (exhibition curators Estelle Hassenforder and Alexandre Steger)
Palazzo del Duca:
Sue Park, under the supervision of the Comune di Senigallia.
Mario Giacomelli, permanent exhibition of the civic collection of the city.
Rotonda al Mare, Piazzale della Libertà:
Denis Freppel, Ephemeral architectures of Los Angeles, 1970s.
Visionaria (annex of Palazzo del Duca):
« Raw Photo. Experimenting with vernacular ore. Exercises in distorting photographic archives. » Exhibition of student work under the artistic direction of Nicolas Devigne (Polytechnic University of Hauts-de-France).
Atelier 41, via Fratelli Bandiera:
Giorgio Cutini, Beech, a tree for a photographer, 22 images for 22 emotions.
OUBLIER ? CONSERVER ? TRANSMETTRE ? Quels futurs pour les archives à l’âge de la digitalisation ? Que restera-t-il du monde sensible ?
Cycle de conférences, auditorium San Rocco Jeudi 18 mai, vendredi 19 mai, samedi 20 Mai (remarque: les conférences en anglais ou en français seront traduites simultanément en italien, en duplex, auditorium du Palazzetto Baviera)
Foire et bourse de collectionneurs, Foro Annonario vendredi 19 et samedi 20 mai 2023
Concours La Muta : « Une histoire très personnelle » Vote du public les 18, 19 et 20 mai avant 14:00. Voir règlement du concours et plan-damier du centre-ville avec la localisation des trente vitrines et des lieux de présentations des projets
Hommage à Pierre Apraxine, soirée-conférence, Rotonda al Mare, vendredi 19 mai 2023, 18:00
Soirée de gala et proclamation des lauréats du prix La Muta, Rotonda al Mare, samedi 20 mai, 20:00
Remise d’un titre honorifique à Nino Migliori par la Comune di Senigallia, Rotonda al Mare, dimanche 21 mai, dans l’après-midi
Projections de films sur la photographie, cinéma Il Gabbiano, jeudi 18 et vendredi 19 mai, l’après-midi
Programme d’expositions
Rocca Roveresca, pianoterra :
« N’était-ce donc que cela ? » Une journée dans la vie de Charles Baudelaire, Exposition-reconstitution d’une visite du poète des Fleurs du mal chez le photographe Eugène Carjat en décembre 1861.
Qui a peur de son image ? Regards inquiets et signes d’inconfort dans les premiers portraits au daguerréotype
(expositions réalisées dans le cadre du programme Erasmus, Margot Dubois, Salomé Alary, Clément Thomas, Lucas Vanelstraete, étudiants Master Art, Université Polytechnique des Hauts-de-France)
Palazzetto Baviera, piano terra
Solange Brand, Fragment d’une révolution, Chine, 1966-1967 Suite de l’exposition à la Biblioteca Antonelliana, Foro Annonario. Les Marcheurs Rouges de la Revolution Culturelle
Palazzetto Baviera, piano nobile
Flavio Damm, imagens do Brasil, 1955-1975 (avec la Fondazione Flavio Damm, Brésil, commissaire de l’exposition Zaven Paré)
« Tondo, tondi » Pourquoi le format rond est-il si rare dans l’histoire de la photographie ? Exposition-enquête en collaboration avec la galerie Daniel Blau, Munich
« Photos perdues, photos retrouvées », trésors des petits et grands collectionneurs, Collection Yoskowitz – New York, Collection Zaven Paré – Rio de Janeiro, Collection Lugosi – Paris, trois collectionneurs dialoguent avec le public.
« Photographies de vibrations, photographies de sable, photographies de sons » Images cymatiques de Hans Jenny et Christiaan Stuten, sculptures de sable en Sardaigne (commissaires de l’exposition Estelle Hassenforder et Alexandre Steger)
Palazzo del Duca
Sue Park, sous la supervision de la Comune de Senigallia
Mario Giacomelli, exposition permanente de la collection civique de la ville
Rotonda a mare, Piazzale della liberta
Denis Freppel, Architectures éphémères de Los Angeles, années 1970
Visionaria (annexe du Palazzo del Duca)
« Photo brute. Expérimenter le minerai vernaculaire. Exercices de Détournement d’archives photographiques. » Exposition de travaux d’étudiants sous la direction artistique de Nicolas Devigne (Université Polytechnique des Hauts-de -France)
Atelier 41
Giorgio Cutini, Hêtre, un arbre pour un photographe, 22 images pour 22 émotions
Quali saranno i futuri degli archivi nell’era della digitalizzazione? Cosa rimarrà del mondo sensibile?
Ciclo di conferenze presso l’auditorium San Rocco
Giovedì 18 maggio, venerdì 19 maggio, sabato 20 maggio. Si noti che le conferenze in inglese o francese saranno tradotte simultaneamente in italiano, in diretta, presso l’auditorium del Palazzetto Baviera.
Fiera e borsa di collezionisti presso il Foro Annonario
Venerdì 19 e sabato 20 maggio 2023.
Concorso La Muta: « Una storia molto personale ». Votazione del pubblico il 18, 19 e 20 maggio prima delle 14:00. Consultare il regolamento del concorso e la piantina del centro storico con la localizzazione dei trenta negozi con le vetrine espositive e dei luoghi di presentazione dei progetti.
Omaggio a Pierre Apraxine, serata-conferenza presso la Rotonda al Mare, venerdì 19 maggio 2023, ore 18:00.
Serata di gala e proclamazione dei vincitori del premio La Muta, presso la Rotonda al Mare, sabato 20 maggio 2023, ore 20:00.
Conferenza in onore di Nino Migliori con la consegna di un titolo onorifico dalla Comune di Senigallia, presso la Rotonda al Mare, domenica 21 maggio, nel pomeriggio.
Proiezioni di film sulla fotografia presso il cinema Il Gabbiano, giovedì 18 e venerdì 19 maggio, nel pomeriggio.
Programma di esposizioni:
Rocca Roveresca, pianoterra:
« N’était-ce donc que cela? » Una giornata nella vita di Charles Baudelaire, mostra-ricostruzione di una visita del poeta dei Fiori del male dal fotografo Eugène Carjat nel dicembre 1861.
Chi ha paura della propria immagine? Sguardi inquieti e segni di disagio nei primi ritratti al dagherrotipo.
(Mostra realizzata nell’ambito del programma Erasmus, Margot Dubois, Salomé Alary, Clément Thomas, Lucas Vanelstraete, studenti del Master in Art presso l’Università Politecnica delle Hauts-de-France)
Palazzetto Baviera, pianoterra:
Solange Brand, Frammento di una rivoluzione, Cina, 1966-1967.
Continuazione della mostra presso la Biblioteca Antonelliana, Foro Annonario. I camminatori rossi della Rivoluzione Culturale.
Palazzetto Baviera, piano nobile:
Flavio Damm, immagini del Brasile, 1955-1975 (con la Fondazione Flavio Damm, Brasile, curatore della mostra Zaven Paré).
« Tondo, tondi »: perché il formato rotondo è così raro nella storia della fotografia? Mostra-inchiesta in collaborazione con la galleria Daniel Blau
« Foto perdute, foto ritrovate », tesori dei piccoli e grandi collezionisti, Collezione Yoskowitz – New York, Collezione Zaven Paré – Rio de Janeiro, Collezione Lugosi – Parigi, tre collezionisti dialogano con il pubblico.
« Fotografie di vibrazioni, fotografie di sabbia, fotografie di suoni »: immagini cimatiche di Hans Jenny e Christiaan Stuten, sculture di sabbia in Sardegna (curatori della mostra Estelle Hassenforder e Alexandre Steger).
Palazzo del Duca:
Sue Park, sotto la supervisione della Comune di Senigallia.
Mario Giacomelli, mostra permanente della collezione civica della città.
Rotonda al Mare, Piazzale della Libertà:
Denis Freppel, Architetture effimere di Los Angeles, anni ’70.
Visionaria (annessa al Palazzo del Duca):
« Foto grezza. Sperimentare il minerale vernacolare. Esercizi di distorsione delle immagini d’archivio fotografico. » Mostra dei lavori degli studenti sotto la direzione artistica di Nicolas Devigne (Università Politecnica delle Hauts-de-France).
Atelier 41:
Giorgio Cutini, « Hêtre », un faggio per un fotografo, 22 immagini per 22 emozioni.
Mario Giacomelli, considéré unanimement par la critique et le public comme l’un des plus grands photographes de notre temps, et qui nous a quittés après une longue maladie le 25 novembre 2000, a parcouru à travers son œuvre les paysages infinis de l’âme.
Né à Senigallia le 1er août 1925, son activité de photographe commence la veille de Noël 1952 quand il s’offre un appareil photo Comet et se rend sur la plage pour photographier la mer. Pour en reproduire le mouvement et l’animation, il bouge l’appareil : sa première photographie, L’approdo [L’abord, l’abordage] est née ; avec elle, il s’éloigne, consciemment, de la tradition photographique. Sa participation au groupe de photographes de Senigallia “ Misa ”, fondé par Giuseppe Cavalli (avec Paolo Monti parmi les théoriciens de la “ nouvelle photographie italienne ”) permet à Giacomelli de sortir du cadre de sa petite ville de province pour s’intégrer dans un univers culturel plus large, plus proche de ses motivations et de ses aspirations. Pourtant, les œuvres les plus importantes du grand maître sont indissolublement liées à sa terre : “ Tout en me sentant réaliste [m’a dit Giacomelli], j’ai découvert que la poésie est le langage avec lequel je crois pouvoir échapper aux poncifs de la réalité quotidienne. L’espace n’est plus banalisé ; les choses que je voyais toujours semblables, les mêmes rues, les mêmes gens dans ma ville, en pensant à leur poésie, me semblent maintenant modifiées. Tout a un goût d’aventure qui m’entraîne dans de nouvelles expériences et me fait vivre dans des territoires imaginaires. ” En 1955, il gagne le premier prix de la meilleure série à la deuxième Exposition nationale de photographies de Castelfranco Veneto. Paolo Monti, qui préside le jury, dira que Giacomelli est l’homme nouveau de la photographie italienne. En 1957, il est publié dans le prestigieux recueil Photography Year Book (Londres) et, en 1958, dans U. S. Camera (New York). En 1959, dans la revue Fotografia, le regretté critique Giuseppe Turroni parle déjà de la première et de la seconde manière de Giacomelli et, à l’occasion de l’exposition à la Biblioteca Comunale de Milan en 1959, il écrira à propos du photographe de Senigallia qu’il est le “ cas ” de la photographie italienne. C’est en 1963, grâce à John Szarkowsky, alors conservateur du département de la Photographie au Museum of Modern Art (MoMA) de New York, que Giacomelli arrive sur la scène internationale avec la série Scanno (1957), tout d’abord avec une parution dans Looking at Photographs, puis avec une exposition permanente dans les collections du Museum of Modern Art.
Après une série de premières photographies portant un titre entre 1953 et 1956, probablement influencé par son ami Luigi Crocenzi – l’un des fondateurs en 1954 du Centro per la Cultura della Fotografia (CCF) à Fermo et l’un des théoriciens et promoteurs du récit photographique –, Giacomelli aborde les grands thèmes, gardant les titres pour les séries de photographies. La série (réalisée avec une Bessamatic et un objectif Eliar couleur 10,5 avec flash à lampe) sur la Vie à l’hospice date de 1954-1956. Mario Giacomelli connaissait la vie de l’hospice depuis que, tout petit, il suivait sa mère qui y travaillait par nécessité après son veuvage. Au fil des rencontres avec les vieux de l’hospice de Senigallia se tisse l’histoire d’un amour infini. C’est pourquoi il y reviendra en 1966-1968 pour une série d’œuvres dont le titre est tiré d’un poème de Pavese, Verrà la morte e avrà i tuoi occhi [La mort viendra et elle aura tes yeux]. Il porte ses images à la limite de l’abstraction : la chair est “ brûlée ” par la lampe du flash et les rides des visages sont celles de la terre. Ces images estompées sont empreintes d’un profond lyrisme qui rappelle Licini. Il revient encore à l’hospice de Senigallia pour une série sans titre en 1981-1983. Pendant neuf ans, donc, Giacomelli photographie les vieux, sans jamais réaliser un reportage, sans jamais avoir l’exigence ou l’intention de dénoncer ou d’exprimer le mépris social. À une période où la photographie est par définition le miroir de la réalité, l’hospice est pour Mario un lieu de rencontre et de fascination pour comprendre ses peurs, pour exorciser la mort. Surtout pour comprendre le temps, fait “ d’un peu d’avant et d’un peu d’après ”, dira Giacomelli : “ Il n’est pas facile de photographier la vie de l’hospice… Cette mère qui attend son fils depuis trois ans et qui me prend la main lorsque je lui apporte des bonbons pour la voir heureuse un instant et qui dit que son fils est tellement occupé qu’il ne peut pas venir la voir. […] Je vais à l’hospice par besoin intérieur. Dans plusieurs images, j’ai enlevé la matière avec le blanc ; en enlevant les détails, je détruis la réalité. Les déformations, les flous détruisent le trop-plein de réel pour régénérer la poésie. Je n’ai pas fait de belles images, je me suis seulement caché dans un lieu que d’autres appellent hospice et qui, pour moi, était un grand miroir qui me permettait de me regarder. […] Je sentais alors que mes peurs n’étaient pas des inventions mais des choses que je vivais déjà et dont j’étais prisonnier. ”
De 1955 à sa mort, il travaille sur le paysage de sa terre natale – œuvre toujours en devenir – qui représente un chapitre fondamental de son travail d’artiste et une excellente clé de lecture de ses convictions intimes. “ Je ne représente pas des paysages, mais les signes et la mémoire de l’existence. ” Ce sont des entailles, comme les lignes que l’homme a dans les mains, comme les rides des vieillards de l’hospice, comme les déchirures de la nature et de l’humanité, creusées par le passage traumatique du temps. Entre 1961 et 1963, il réalise la série Io non ho mani che mi accarezzino il volto [Il n’y a pas de mains pour me caresser le visage]. Dans cette série fantastique des “ Pretini ” [Prêtres], ces photos prises au séminaire épiscopal de Senigallia, Giacomelli atteint le sommet de l’abstraction par la transgression iconique des images en suspens et des soutanes gonflées comme de petites montgolfières. Entre 1964 et 1966, il propose la série intitulée La buona terra [La bonne terre], une saga épique, rythmée par le passage des cycles, des saisons et caractérisée par l’antique rituel paysan. Les images se développent au fil de ce reportage / récit, avec la participation de Giacomelli qui, après un temps d’adaptation (il photographie la vie d’une famille patriarcale des environs de Senigallia), se lie avec les protagonistes, les suit dans leurs travaux des champs et dans leurs moments de fête. Encore une fois, ce n’est pas un documentaire réaliste aux intentions politiques et sociales, mais une relecture du temps, du souvenir et de la mémoire paysanne.
La série Caroline Branson, tirée de Spoon River Antology d’Edgar Lee Master, date des années 1971-1973. C’est une histoire d’amour riche de sens, soutenue par des signes marquants et par des éléments naturalistes – comme pour souligner l’aspect dramatique de l’histoire –, une alternance d’images évocatrices, au fort impact émotionnel accentué par la double exposition. Ici aussi, sous le prétexte de l’histoire de Senigallia, voici l’intensité de la nuit cosmique, de l’obscurité des souvenirs, de l’absence / présence de l’espace-temps.
La photographie de Giacomelli est donc la métamorphose de ses convictions intimes : un réalisme magique, filtré par le souvenir et pétri de poésie. Ses images – autoanalyse et miroir de l’existence – puisent leur inspiration dans ses voyages vers ses espaces intérieurs et ses territoires imaginaires. Il transpose dans la photographie sa passion pour sa terre natale, pour les cycles et les époques de l’existence. Inscrits en filigrane dans sa mémoire, ces rapports presque invisibles avec son univers mental lui permettent de faire vivre, dans les plis de la matière et dans un réel imaginaire, la joie de la création et de la connaissance. Giacomelli aborde avec la photographie des thèmes graves et inquiétants, et il les charge de poésie, les replace dans leur dignité d’origine, sans dogme idéologique ni tournure académique. Il est loin des prétentions assez répandues chez les artistes contemporains ; il sait que chaque recherche doit retrouver l’authenticité de la vie, connaître les liens entre les formes d’expression et réhabiliter nos origines. Il se désole de l’impuissance de l’homme face à la difformité et au mal ; son écriture photographique exprime ces sentiments. Avec ses images accentuées par les contrastes lumineux, par les flous, par l’amplification du grain, il veut dépasser l’angoisse de la douleur et de la solitude et nous transmettre un message d’espoir. “ […] Ce qui m’intéresse, c’est la joie que j’ai éprouvée au moment où j’ai déclenché, la tension que j’ai eue face à l’image. Voilà, à partir de ce moment [affirme Giacomelli], l’image ne meurt plus, elle reste après ma mort… Je voudrais échapper à cette réalité et entrer dans celle, inutile, de la poésie. ”
“ Avanti ! Si accendano i lumi / nelle sale della mia reggia ! / Signori ! Ha principio la vendita / delle mie idee. ” [Entrez ! Qu’on allume les lumières / dans les salles de mon palais ! / Messieurs ! La vente de mes idées commencent.] Ainsi commence la poésie de Corazzini Bando [Avis de vente], dont Giacomelli s’est inspiré pour l’un de ses derniers travaux qui lui emprunte son titre. Ainsi a-t-il décidé de conclure sa propre “ recherche ” en se débarrassant de son bagage artistique et intellectuel ; en retournant le concept même de poésie, en réfutant l’idée de pureté et d’intimité comme fin en soi dont elle se satisfait depuis toujours. Il nous montre, en revanche, comment il a conçu sa recherche avec plus de distance : exactement comme lors d’une vente aux enchères, lorsque les idées personnelles deviennent celles de l’acquéreur ; il semble alors clair que les interprétations que nous voulons leur attribuer ne sont que les nôtres. À la base de ce raisonnement, il y a la prise de conscience que la vie est changeante : non les choses matérielles, mais la nature même des idées qui se déforment, s’assemblent et s’amplifient, perdant et acquérant continuellement du sens.
C’est en effet dans son dernier travail, Interrogando l’anima [En interrogeant l’âme], que Giacomelli reconsidère son parcours à l’intérieur et en dehors de la poésie, en nous fournissant lui-même d’autres clés de lecture de son œuvre. Il n’a rien fait d’autre que de regrouper ses précédents travaux (en les mélangeant aussi avec d’autres), en fournissant à chaque groupe de séries un nouveau titre, et donc de nouveaux points de réflexion parfois totalement différents des fondements précédents. Prenons un exemple : les images des “ Pretini ”, qui portaient comme titre à leur parution le très beau vers d’une poésie du père David Turold, Io non ho mani che mi accarezzino il volto [Il n’y a pas de mains pour me caresser le visage], prennent un sens totalement différent dans ce dernier recueil – qui n’est rien d’autre qu’un résumé de son œuvre plus large –, avec un titre devenu pour l’occasion La spensieratezza [L’insouciance]. Les différences entre les deux titres éclairent d’une nouvelle lumière le même récit photographique : au départ, le titre tiré de la poésie traduisait une certaine mélancolie parce qu’il nous évoquait – dans le contexte de ces images où les prêtres jouent ensemble, amusés et insouciants – le port de la soutane et, à partir de là, la solitude totale du corps privé de tout contact physique. Le nouveau titre n’est plus une référence à leur solitude existentielle, mais un simple rappel de l’émotion (celle de l’insouciance, donc) qui les envahit à ces moments-là, et que les images commentent invariablement.
Dans ce jeu de miroir qu’est son œuvre, Giacomelli joue à son tour avec le costume de l’artiste et devient son propre “ bonimenteur ”, qui proclame d’une voix forte que “ la vente de ses idées commence ”. En effet, si nous revenons à Bando [Avis de vente], nous pouvons observer que son imaginaire se remplit de signes – des signes du temps qui passe et se recycle, exactement comme les tentatives du poète visant à se libérer de ses vers pour en créer de nouveaux, ou comme celles du vendeur voulant se débarrasser de sa marchandise obsolète pour la remplacer. Ce symbolisme tente à son tour (jeu de miroirs) de se libérer de la rhétorique communément admise qui met la poésie au-dessus de toute chose, parce que la poésie ne représente pas la vie, mais la transfigure et la déploie dans le temps. Nous pensons aux fenêtres défoncées, aux fauteuils éventrés, au bois pourri et aux armatures pour ciment dénudées qui composent certains clichés de la série à thème Bando, ce micro-univers composé de tracés intérieurs, clichés qui, au-delà de leur hermétisme, expriment la désagrégation de la matière sous l’action du temps et fait appel à l’imagination. Nous pensons maintenant aux marionnettes, au masque, aux corbeaux (référence au sombre poème The Raven, d’Edgar Allan Poe), aux chiens, aux ombres allongées, aux coupes de l’arbre, aux vieux de l’hospice, au voyage vers Lourdes, à la mer et à la terre, à tous ces thèmes vastes et complexes qui composent le compte rendu final de l’artiste et sa contribution au monde dans la série Interrogando l’anima. Nous comprenons alors que l’image photographique peut devenir un récit qui nous parle plus ou moins directement du parcours intérieur d’un homme.
Mario Giacomelli participe avec de la grande ténacité et de la rigueur à l’élaboration du Manifeste des Photographes du Centre Études Marches, plus tard dénommé Manifeste des Photographes du Passage deFrontière (Senigallia,1995 ). Le Manifeste, coordonné par Enzo Carli, voit la participation des photographes de vagues les plus différentes, dont Gianni Berengo Gardin, Ferruccio Ferroni, Giorgio Cutini, Luigi Erba au-delà de Mario Giacomelli.
Le Manifeste, prix national Ville de Fabriano 2013, se lie au Manifeste de la Boussole (1947) en mettent en lumière le processus d’innovation de la photographie contemporaine. Le programme artistique insiste sur les fondamentales sollicitations expressives du photographe liées au vécu émotionnel, aux tensions randies pendant le parcours personnel sur la vie de la connaissance et de la recherche de l’originalité.
“Le passage désigne l’action d’outrepasser, le changement d’état. La frontière, différente du limite, est comme le voile à travers lequel l’inconnu s’ouvre à la prise de l’homme » Galliano Crinella, Passage de Frontière 1995-2004, Ed. QuattroVenti, Urbino 2013).
Le Manifeste, origine d’un intéressant parcours d’exploration à soutien de la structure théorique, comprenait comme modus operandi une gamme d’inspections (Verifiche) avec une double interprétation, individuelle et collective entre le langage, l’espace, le temps, le sentiment et la beauté, la couleur et la forme.
Je souhaite sincèrement que Mario Giacomelli soit maintenant et à jamais dans la “ réalité inutile de la poésie ”, ce lieu qu’il n’a jamais cessé de chercher et d’où il revenait chaque fois avec des images qui servaient à le raconter. Ce dont nous remercions ce grand Maître.
Nous avons le plaisir de vous inviter à une exposition temporaire d’oeuvres de Mario Giacommeli confiées par des habitants de la ville de Senigallia. UNE JOURNÉE D’ÉTUDE EST ORGANISÉE LE 11 MARS SOUS LA PRÉSIDENCE D’ENZO CARLI
L’exposition et la journée d’étude sont accueilli par l’hôtel Parister, l’un des plus récents hotel 5 étoiles de Paris, situé 19 rue Saulnier (metro Cadet)
« Aux marges d’un pays pris d’une fièvre de consommation, cet homme avait encore le courage de pointer un mal de vivre que la Fiat 600 et la machine à laver prétendaient dissimuler. Son regard a retiré le vernis des images optimistes d’une société opulente. En marge, mais pas en dehors, du boom économique qui déplaçait des millions de personnes du sud vers le nord de l’Italie, il a observé la frénésie du changement sur le fond d’un destin immuable, celui de la condition humaine.
Celui qui l’a rencontré ne l’aurait pas qualifié d’ homme tourmenté. Une couronne de cheveux blancs surmontait un visage bonhomme, toujours sur le point de sourire. Photographier lui procurait « le bonheur d’un orgasme« , disait-il : « Quand je vais faire des photos, je suis aussi heureux qu’une petite fille qui attend son prince avec son cheval blanc et sa cape bleue… ».
Mais il n’a jamais su traduire cette exaltation de demi-dieu des images en images dorées. Il a avoué à Pietro Donzelli, un grand ami photographe, que le lyrisme dans les photos n’était pas pour lui, qu’en photographiant, il ressentait plutôt “la tragédie du monde ».
Et c’est peut-être là que réside le glorieux mystère de Giacomelli, dans la contradiction vertueuse entre une existence douce et une vision dramatique de l’existence. La photographie n’était pour lui rien de plus qu’un moyen efficace. Ni une vocation, ni une vertu. « Je ne suis pas un photographe, je suis un homme qui, de temps en temps, trouve quelque chose ».
Des choses ou idées qu’il pouvait voir mais peut-être pas déchiffrer : le film fonctionnait « comme un papier buvard placé sur une tache », il fallait la ramasser, la fixer, la mettre de côté. Regardez un papier buvard : il est couvert de tâches, autant de signes en désordre. Mais alors la terre, toute la terre, était pour Giacomelli un gisement de signes en désordre, écrits dans un langage qui ne peut être traduit en mots. Il s’agissait alors de les collecter, ces signes, pour les faire « respirer ».
La photographie « n’est rien de plus qu’une feuille de papier avec des signes dessus, des signes comme des idées, tout est une vue de l’esprit ».
Michele Smargiassi, Giacomelli e l’universo (blog de Repubblica, traduit de l’italien)